L’année 2020 n’aura pas connu que le chaos de la pandémie. Certaines années sont parfois plus riches en productions poétiques que d’autres et surtout d’œuvres majeures (comme Édith Azam par exemple). J’aime le mot homme et sa distance de Florence Pazzottu est l’un de ces livres qui redonne conscience de la particularité si nécessaire de la poésie. Cet art est souvent le seul à proposer une recherche formelle si fortement liée à son discours.
Quand on ouvre ce nouveau livre de Florence Pazzottu, on a déjà la sensation qu’il concentre l’essence de son travail. En plus d’un plaisir de lecture indéniable, J’aime le mot homme et sa distance est une exploration des genres, qu’ils soient stylistiques ou sexuels.
Le sous-titre de ce recueil est « cadrage-débordement ». Il désigne une technique de jeu du rugby. La citation en exergue est un extrait d’entretien à propos d’une chute du coureur cycliste Dan Martin. Ces références ne sont pas là pour dénoter un goût particulier pour l’activité sportive. C’est essentiellement pour apporter une autre dimension au propos poétique de Florence Pazzottu. Les 5 parties de l’ouvrage sont autant d’inventions formelles parlant de l’ambivalence du mot homme et de l’art d’échouer. La poète semble s’attacher à ce qui empêche l’idéalisation de l’être humain.
Nous sommes loin des lyriques et de leurs propos. Florence Pazzottu tient à garder cette distance avec le mot homme, d’y déceler sa dualité et y voir la faille qui constitue chaque être vivant. Sa recherche formelle résonne avec son propos sur l’ambivalence. Tandis que certains vers ondulent sur la page et crées des formes plus ou moins suggestives, d’autres s’en tiennent à des formes classiques. Dans la partie du livre intitulé « Pour qu’on en rie », la poète invente le tanka-texto. C’est une forme qui allie le texto contemporain aux poèmes des comtes d’Ise composé dans le Japon du Xème siècle.
Il n’est pas exagéré de voir dans J’aime le mot homme et sa distance un aboutissement. Florence Pazzottu publie depuis 1991, toujours en quête de recherches formelles et questionnant l’humain. Mais avec ce recueil paru aux éditions Lanskine, elle n’avait jamais atteint une telle densité esthétique et intellectuelle.
Il faut savoir que Florence Pazzottu n’écrit pas seulement de la poésie. Son travail se rapprochait fortement du théâtre dans son précédent ouvrage Le monde est immense et plein de coïncidences paru aux éditions de L’amourier. Elle a également écrit un texte pour la comédienne Alvie Bitemo (paru aux éditions Commune). Elle réalise des films dont La pomme chinoise fut sélectionné au FID 2019.
Quand on referme ce recueil, nous avons l’envie irrépressible de voir venir le prochain. Alors la solution de notre impatience se trouve dans l’approfondissement de ce que nous dit ce livre et comment il nous le dit.
200p
Adrien