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François-Henri Désérable – Un certain M. Piekielny

Qui n’a jamais tenté de tirer le vrai du faux dans un roman autobiographique ? Qui n’a jamais cru à l’existence réel d’un personnage de fiction ? N’est-ce pas dans ce subtil mélange de fiction et de réalité que réside la magie de la littérature ? La réponse est dans la question et F-H Désérable joue talentueusement avec dans cette enquête biographique aux allures de roman.

Tout commence quand, par un concours de circonstances, l’auteur et narrateur se retrouve coincé à Vilnius (anciennement Vilno), ville de naissance de Romain Gary ; ou quand, à l’âge de 17 ans, la lecture de La promesse de l’aube le “fît chavirer“.
Devenu lecteur multirécidiviste de ce roman autobiographique, F-H Désérable nous raconte comment le hasard l’a mené en Lituanie devant l’immeuble où vivait Romain Gary (Roman Kacew à l’époque), mais aussi “un certain M. Piekielny” : le fameux M. Piekielny du chapitre VII de La promesse de l’aube sur lequel il décide de mener l’enquête.

Sauf que toutes ses recherches le mènent dans une impasse. Et le doute s’immisce : M. Piekielny a t-il réellement existé ? Si oui, ceux qui peuvent en témoigner ne sont plus là. Et le peu d’informations tirées de La promesse de l’aube laisse grande ouverte la porte de l’imagination. Alors F-H Désérable extrapole ; de suppositions en anecdotes, il prête plusieurs destinées possibles à ce mystérieux voisin et lui donne vie.

Pour cela, il en revient au contexte historique mais surtout à Romain Gary : ses multiples facettes, sa mère qui lui prédisait la gloire, ses amours, ses stratagèmes d’écrivain… tout ça dans une écriture vivante et agréable à lire qui donne envie de se (re)plonger dans La promesse de l’aube.

L’auteur pose ainsi la question de la vérité dans la littérature, mais aussi de l’influence de la littérature dans la réalité (ou comment des personnages, des lieux, des objets fictifs deviennent réel). En donnant vie à M. Piekielny tout en préservant le mystère qui l’entoure, F-H Désérable prend le partie de la littérature face à la vérité.

N’y a t-il pas toujours une part d’imaginaire dans la vérité et inversement ? Et puisque toute vérité n’est pas forcément vérifiable, n’est-elle pas tout simplement ce que l’on veut ou ce que l’on est prêt à croire ?

Certains ont sans doute fait plusieurs recherches infructueuses avant de comprendre que Jules Toulet, le jeune peintre-voyageur des “Voyages d’Anna” et des “Voyages d’Ulysse” n’avait pas existé en dehors des bandes dessinées d’Emanuel Lepage et Sophie Michel.
Tout le monde s’est sans doute laissé prendre au piège dans Big brother de Lionel Shriver lorsqu’elle introduit de la fiction dans sa propre fiction.
Et si beaucoup croyaient à l’existence d’“un certain M. Piekielny”, habitant “au n°16 de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno”, beaucoup continueront d’y croire et beaucoup remettront en doute son existence après avoir lu ce roman. Tout dépend de ce que l’on veut croire et F-H Désérable nous laisse cette liberté.

Éditions Gallimard, 2017
263 pages

Pauline

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Chroniqueuse

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