Frédérique Guétat-Liviani est poète, dessinatrice et fondatrice des éditions Fidel AnthelmeX. Elle vit à Marseille et a publié dernièrement deux livres qui laissent entrevoir une poésie en rapport direct avec le réel. L’écriture de cette poète est visuellement remplie d’absences et de creux. C’est surtout le travail exercé sur la matière textuelle que l’on voit. Elle sculpte ce qu’elle écrit en rabotant, taillant dans le corps du texte pour l’affiner et lui donner de l’élan. Avec 4 de chiffre, nous sommes au plus proche de la banalité du quotidien qui n’est pour autant pas universelle. La lecture laissera entendre que la poète travaille avec sa propre réalité. Avec Il ne faudra plus attendre un train, le livre se révèle autobiographique et aborde un sujet plus intime, se situant au cœur d’un bouleversement.
La réalité que Frédérique Guétat-Liviani transmet dans ces deux livres n’est pas commune. Elle déroge à l’idée que chacun-e pourrait s’y retrouver. Que ce soit la disparition d’une mère refusant de l’être dans Il ne faudra plus attendre un train ou celle plus urbaine de 4 de chiffre, nous sommes dans une diversité de vies et de positionnements. On peut trouver à la fois la tendresse d’un homme caressant un oiseau que la présence brutale d’un pistolet. Ce n’est pas une réalité qui s’admet facilement ou se caricature. Tout le travail de Frédérique Guétat-Liviani semble se trouver dans cette transmission des différences qui habitent chacun-e d’entre nous. Sa poésie est là pour établir l’irrégularité du monde.
Le travail poétique dans 4 de chiffre est très visuel. Les dessins ne s’opposent pas au texte. Il constitue le même geste, la même approche du travail sur le langage que constitue la poésie. Frédérique Guétat-Liviani prouve qu’il ne faut pas tenter de différencier le visuel de l’écrit. Les phrases et leurs agencements sont tout autant une manière de travailler la page que les dessins. Certes, le texte parle d’une manière différente, mais l’idéal serait de pouvoir lire la poésie comme on regarde un dessin. La poésie vient rebattre les cartes des idées préconçues sur la littérature, forme dont on ne doit pas oublier son caractère graphique.
Dans Il ne faudra plus attendre un train, le texte est totalement présent. Son message se trouve à la fois dans le sens qu’à travers sa forme établie sur la page. Les espaces entre les mots disent la disparition, l’éparpillement. Ce texte est bouleversant par son rapport très serein à la mort. Il n’y a pas d’effusions de désespoir, mais de simples touches d’affections. Frédérique Guétat-Liviani raconte beaucoup plus le caractère de cette mère, refusant l’assignation et poussant jusqu’au bout son besoin vital de liberté. Dans les deux livres, se trouve la figure importante de l’oiseau. On le retrouve dans l’un des livres promené à l’air libre et dans l’autre encagé. Cela a un sens qui ne se découvre qu’à la lecture de ces deux livres.
Il ne faudra plus attendre un train
80p
4 de chiffre
44p
Image du bandeau : © Frédérique Guétat-Liviani