En 1972 parait chez Charles Scribner’s Sons, la fameuse maison d’édition d’Hemingway, Thomas Wolfe, Henry James ou encore Edit Warthon, un mystérieux recueil de trois novelas, intitulé « The Fifth Head of Cerberus ». Avec sa couverture presque « art déco » l’objet intrigue, l’auteur n’étant pas encore connu et reconnu, il s’agit ici en fait de sa seconde publication après un premier roman, « Operation Ares » qui connut une réception mitigée, avec de critiques reprochant, entre autres à l’auteur de ne pas avoir tout donné pour son texte.
Pour autant, ayant retenu la leçon d’Operation Ares, Gene Wolfe va se retrouver nommé pour le Hugo, Locus, Nebula en 1972 et 1973 avec La ciquième tête de Cerberus . L’accueil critique est bon allant jusqu’à qualifier la novela portant le titre du livre, de meilleur novela de la décennie par certains journalistes. Ainsi démarre le chemin d’un auteur qui quelques années plus tard, va briller avec un cycle gargantuesque : le cycle de nouveau soleil.
La cinquième tête de Cerbère se découpe en trois histoires, qui peuvent fonctionner individuellement, mais qui sont liées ensemble par l’univers, certains personnages et le contexte. Se déroulant sur deux planètes jumelles, Saint Anne et Sainte Croix, qui furent d’anciennes colonies françaises, jus’qu’à ce qu’une guerre éclate et que Sainte-Anne devienne anglaise, tandis que la mystérieuse Sainte-Croix une terre de légende, où de mystérieux être primitifs auraient vécu, Les abos, qui auraient été antérieur à l’arrivée des colons humains, et qui possédaient des pouvoirs comme celui d’être métamorphe.
C’est dans ce contexte que se déroule nos trois récits, en commençant avec l’apprentissage de numéro 5, un enfant surdoué qui entre deux séances sous psychotrope dirigé par son père, et des révélations assez obscurs de sa tante Jeanine, explore le domaine où il vivent, allant de révélation et révélation. Il est notamment question d’une étrange théorie développée par un certain docteur Veil, qui selon lui, amène l’idée que les abos auraient pris l’apparence des premiers colons pour éviter de se faire persécuter, pour finir par les remplacer complètement.
Dans Récit, John Marsch, un ethnologue, nous raconte l’histoire de deux frères abos séparés à la naissance, ayant eu deux parcours de vies distincts pour finir dans un affrontement donnant lieu à une troisième voie.
Puis, la livre se termine sur V.R.T, nous retrouvons John Marsch, en prison, sur Sainte-Anne, en proie au délire paranoïaque, qui révèle les derniers éléments du puzzle que constitue l’histoire des deux planètes ainsi que du rôle de chacun.
En composant trois novelas dans un même univers, Gene Wolfe apporte une richesse incroyable à son récit. Ici l’univers est dense, codifié, obscur et poussé. Cela fonctionne comme une plongée en apnée et nous finissons avant tout par avoir une approche tantôt ethnographique puis mystique de deux univers et des enjeux qui en découlent.
Gene Wolfe avec une écriture rappelant Charles Dickens et Jack Vance dans sa première partie, offre une narration élégante et subtile, jouant avant tout sur les ambiances et les ressentis. Un style qu’il ose varier pour les besoins des deux autres novelas en offrant une écriture plus mystique pour “Récit”, fonctionnant presque comme une longue transe, une prouesse narrative fascinante et obsédante, avant de retomber dans une écriture élégante mais plus urgente et paranoïaque, n’étant pas sans rappeler le style d’une certains Kafka.
La cinquième tête de Cerbère est une réussite tant par l’histoire que par le style ou la narration d’un auteur qui aime stimuler l’intelligence de ses lecteurs. Nous sommes en face d’une belle porte d’entrée avant de plonger dans ses autres cycles.
Mnemos éditions,
Collection Hélios,
Trad. Guy Abadia,
350 pages,
Ted.