Nouvelliste et poétesse, Gil Adamson est une autrice canadienne. Elle publie en 2007 son premier roman, La Veuve (The Outlander), récompensé par plusieurs prix et couronné de succès. Le Fils de la veuve lui fait suite tout en développant une intrigue complètement indépendante. Dans une ambiance de western, ce roman de l’intime mêle fiction domestique et nature writing. Il y sera question d’un grizzli, d’une nonne borderline et de dynamite.
Dans les Rocheuses, côté Canada, pendant la première guerre mondiale. William, dont l’épouse vient de mourir, n’a qu’une idée en tête : mettre son fils Jack à l’abri du besoin. Il usera, pour y parvenir, de ses talents de cambrioleur, jouant à l’occasion de la dynamite avec panache et savoir-faire. Le temps de cet éprouvant périple, William confie Jack à une religieuse amie de la famille, sœur Beatrice. C’est une riche héritière et un personnage qui détonne un peu dans la petite ville de Banff. Arraché à son existence dans la forêt, Jack découvre chez elle, en cachette, le bonheur de la lecture d’ouvrages interdits. Malgré sa reconnaissance pour soeur Beatrice, le jeune garçon se sent à l’étroit dans cette vie citadine pour laquelle il n’a aucune appétence.
Devenu adolescent, entre soif de connaissance et perte d’identité, il devra enfin se confronter au deuil de sa mère. Il devra aussi s’atteler à la tâche ardue de comprendre le mystère qu’est son père. Pour Jack, personnage central du Fils de la veuve, la compréhension n’émergera qu’après un retour radical à la nature.
En toute insouciance, il aurait poursuivi son chemin, paisible et solitaire, ni sauvage ni apprivoisé, seulement solitaire. A présent, il vivait depuis si longtemps avec d’autres qu’il avait oublié cette partie de lui-même. Il mit donc du temps à comprendre que le monde de la nature, qui avait défini des lustres plus tôt son territoire et sa conception de l’ordre, attendait simplement qu’il se détache de nouveau des êtres humains.
A travers une écriture simple et franche, Gil Adamson nous propose une expérience de lecture intense et envoûtante. Les émotions et la vie intérieure des personnages sont admirablement bien retranscrits. Chacun d’entre eux sera nécessairement confronté à la solitude, voulue ou subie, tout comme chacun d’entre eux devra faire l’expérience du deuil. Enfin, poussés, par des tourments insurmontables, à trahir leurs proches, beaucoup seront confrontés à la vengeance de leurs pairs. Entre rapports de force et mépris de classe, une seule certitude : c’est la nature qui domine, et la vie humaine est fragile.
Roman sensible et passionnant, Le Fils de la veuve nous balade, entre saga familiale et nature writing sombre. Enfin, c’est une aventure initiatique à dévorer, pour le plaisir simple d’une lecture savoureuse.
Paru le 5 mai 2022 aux éditions Christian Bourgois
Titre original : The Ridgerunner
Traduit de l’anglais (Canada) par Lori Saint-Martin & Paul Gagné
416 pages
amélie