Le docteur Josef Breuer est un éminent psychanalyste viennois, En cette fin de XIXème siècle dans la belle cité austro-hongroise, les esprits, échauffés, exacerbent les inquiétudes et peur du nouveau siècle en s’en prenant aux juifs, aux tziganes, aux étrangers. Benjamin, le jardinier et homme à tout faire du docteur, retrouve un beau jour une jeune fille, le crâne rasé, blessée et famélique. Il la ramène chez le docteur afin de la soigner, et les emmène tous, sans le savoir, dans une sombre histoire. La jeune fille prétend ne pas avoir de nom, ne rien ressentir. Elle serait une machine mécanique envoyée du futur afin de tuer dans l’enfance un monstre, un loup noir, un homme malfaisant qui va faire basculer le monde dans l’horreur la plus totale. Breuer, en bon psychanalyste, va chercher dans l’histoire de cette jeune fille, qu’il baptisera Lilie, les origines de son traumatisme, et envoyer Benjamin sur les traces de son passé proche. Il faudra affronter les quartiers sordides, et les lieux de luxure les plus bourgeois, renfermant une violence sans nom pour, peut-être, espérer découvrir l’identité de la jeune fille. Mais le véritable obstacle viendra de l’intérieur, de la concupiscence et du désir. Mais les histoires sont là pour nous prévenir de tout ça.
Plus tard, sans doute en Allemagne, Krysta, petite fille aussi belle qu’intenable, quitte sa maison avec son père, laissant derrière elle sa mère suicidée et sa gouvernante, seule qui paraît avoir un semblant d’emprise sur la gamine, pour suivre son père dans un dispensaire. Tous les soirs son papa, médecin, revient les mains rouge et boit en tremblant le liquide transparent qu’il y a dans la bouteille spéciale. Pendant ce temps Krysta rend complètement chèvre toutes les femmes qui s’occupent d’elle, mentant comme une arracheuse de dents, faisant bêtise sur bêtise, et se rappelant, à chacune d’elles, les histoires que lui racontait Greet, sa gouvernante d’alors, qui modifiait les contes pour prévenir la demoiselle des choses terribles qui lui arriveront si elle continue à se comporter ainsi. Elle se demande aussi pourquoi elle ne peut pas aller visiter le zoo rempli d’animaux-humains juste à côté du dispensaire… Mais un jour, son papa est retrouvé mort dans son lit, et l’intenable gamine va découvrir bien pire que toutes les histoires d’ogres, de monstres et de cachots qui peuplent son esprit.
« Lorsqu’il avait fini par se relever, tout endolori et le moindre mouvement rouvrant ses blessures, il avait tourné les yeux vers Schattenplatz. Deux colonnes de fumée noire s’élevaient, si épaisses et droites qu’elles auraient pu être des cheminées, chacune se terminant par un nuage qui s’aplatissait contre le ciel. Benjamin ne pouvait chasser cette image de son esprit »
Gretel and the dark porte bien son titre. Que nous apprennent les contes, si ce n’est que les êtres humains sont bien capables du pires, et que cela ne finit pas forcément bien. Ils se perpétuent, variations sur le même thème, de siècles en pays, donnant à voir et à comprendre une image de la vie. Krysta va se raccrocher à toutes ces histoires que lui racontait Greet pour lui faire peur, lui donnant ainsi une leçon de vie qui pourrait bien la sauver et troivant dans ces contes une réalité bien plus tangible que celle, inquiétante et incompréhensible, qui l’entoure, et Lilie va user du même procédé pour tenter de se faire comprendre du Dr. Breuer et de Benjamin. Les contes laissent flotter sur ce roman sombre, qui mêle le croassement des corbeaux au bruit des bottes, une impression réconfortante car familière, tout en étendant sur nous leur noirceur, leur perversité et leur inéluctabilité. Le cauchemar se referme sur nous, comme il enserre Benjamin, Lilie, Josef, puis Krysta et les autres entre ses mâchoires de fer, et le tout nous montre à quel point les contes, les histoires nous forgent, nous soutiennent et nous accompagnent, nous forçant à nous demander même si c’est le conte qui nous raconte la vie, ou la vie qui s’inspire des contes.
Gretel and the dark est un très bon premier roman, qui nous tient en haleine jusqu’à cette superbe fin, si c’en est une, car les contes se terminent-ils vraiment un jour… ?
Traduit de l’anglais par Carine Bruy
Mirobole
Marcelline
(c) image à la une, Arthur Rackhamn, Hansel & Gretel
Il ne faut pas hésiter alors ! Si tu as aimé Le labyrinthe de Pan, Gretel est fait pour toi !
Celui-ci me tente tellement !!!! 😀