Les éditions HongFei célèbrent une nouvelle fois la culture chinoise avec délicatesse et poésie à travers Te Souviens-tu de Wei?, album réalisé à quatre mains par la journaliste Gwenaëlle Abolivier et l’illustrateur Zaü.
Wei, personnage fictif venu de l’autre bout du monde pour trouver un emploi et son droit au bonheur et à la félicité en France, traverse les mers et les océans pour découvrir des rivages à feux et à sang. Arrivé en plein coeur de la Première Guerre Mondiale en compagnie de ses camarades, tous en quête d’une nouvelle vie au coeur de ce pays dont ils ne savent rien, Wei va se voir projeté dans un combat qui n’est pas le sien. Pour survivre, il va s’improviser docker, ouvrier, fossoyeur, tentant de lutter sans autre arme que son courage et sa détermination, gardant toujours dans un coin de son esprit le souvenir de sa mère afin de tenir bon sous les pluies d’obus.
Barrière de la langue, culture totalement différente et inconnue, conditions de travail proches de l’esclavagisme et racisme vont être le lot quotidien que devront surmonter ces milliers d’immigrés chinois cachés derrière l’esquisse du visage de Wei.
Ils ont été presque 140 000 à arriver les poches vides mais le coeur gonflé d’espoir dans ce pays décrit comme une terre promise, une terre d’accueille qui allait leur permettre de devenir riches et de subvenir aux besoins de leurs familles restées en Chine. 140 000 à avoir servi de bêtes de somme, courbant l’échine sous les intempéries et le froid, situations climatiques dures à encaisser pour ceux venus des provinces du Sud, creusant des tranchées, enterrant des cadavres, le tout sous les yeux indifférents des français qui les craignaient et les fuyaient pour la plupart.
Te souviens-tu de Wei est un album qui célèbre le courage de ces héros anonymes en ce centenaire de la Grande Guerre, à travers un quotidien fictif qui retrace à lui-seul la destiné de milliers de personnes.
Gwenaëlle Abolivier et Zaü nous parlent d’un pan de l’Histoire qui reste très peu, voir pas du tout connu du grand public et rendent un très bel hommage à cette foule sans visage qui s’est vue projetée dans un monde de chaos alors qu’elle pensait trouver le bonheur. De celle-ci il reste des marques bien visibles; les corps de ceux enfouis au cimetière de Nolette dans la Somme, reposant si loin de leur terre natale, et ceux qui ont survécu et enfoui leurs racines au plus profond de ce sol étranger en fondant une famille, dont les descendants commémorent la mémoire de leurs ancêtres à travers la fête actuelle du Qingming (dont la traduction française est Pureté de l’air et lumière, comparable à notre Toussaint et symbole du mois d’Avril où elle est célébrée).
Des 140 000 combattants chinois qui ont posé le pieds sur ce pays en conflit, 2 000 sont restés parmi les survivants, formant ainsi la première vague d’immigration en Europe.
Gwenaëlle Abolivier et Zaü leur rendent également hommage à travers ce livre, aux illustrations sobres et puissantes dont le style est emprunté à la calligraphie et à l’estampe asiatique. Encre et lavis sépias offrent une profondeur lourde de sens au texte tout en proses poétiques de la journaliste G. Abolivier. La terreur, la nostalgie, le déracinement et la lutte morale sont palpables aussi bien aux travers des images en double-page que du phrasé rythmé et simple. On sent que Zaü et son binôme sont à l’écoute de ce peuple arraché du bout du monde, sensibles à sa culture ils parviennent à la retranscrire d’une manière vibrant en mêlant les inspirations occidentales et extrême-orientales.
Composé de deux parties, Te Souviens-tu de Wei? propose à la fin quelques pages-documentaires qui permettent d’aller plus en détail sur ce sujet tombé dans l’oubli. A l’aide de photographies d’époques et de repères chronologiques et géographiques, nous en apprenons plus sur ces combattants chinois venus renforcés les bataillons français. Un texte concret complété par des éléments factuels qui vient appuyer le récit imaginaire du quotidien de Wei, personnage fictif incarnant à lui-seul les milliers d’immigrés chinois qui reposent aujourd’hui si loin de leurs contrées natales.
“Souviens-toi de cet homme
léger comme un pinceau
et fort comme un roc
Il était parti de Chine
et arrivé en France
un beau matin de printemps.
Souviens-toi de cet homme
Souviens-toi de Wei
jeune homme de vingt ans
beau comme un prince
pauvre comme un mendiant
courageux comme un combattant.”
Editions HongFei
47 pages
Caroline