« J’écris avant tout sur la solitude, disait-il. Tout le monde connaît ça : le désir d’être quelqu’un, le besoin de trouver quelque chose. Les addictions, la dégénérescence de l’être humain. Toutes les compensations que les gens trouvent à ce qu’ils estiment être des manques, ou des blessures dans leurs vies. La souffrance, subie et infligée. »
Condamné à attendre cinq jours, suite à une panne informatique, un homme attend de pouvoir avoir l’accord d’achat pour l’arme à feu qui lui permettra de mettre fin à ses jours. Usé par lui-même et surtout par les autres, il veut en finir, mais le délai imposé par le contretemps technique va lui être salvateur et un nouveau plan va cheminer dans sa tête, sournoisement puis très clairement : ce n’est pas lui le problème, mais tous les autres qui le tourmentent !
Tous ces salauds, profiteurs, usurpateurs, voleurs, toutes cette vermine infâme qui lui pourrit la vie et nuit, selon lui, au bien-être de la nation, cette grande nation en pleine perdition.
Notre homme est la solution, sa nouvelle mission n’est plus son suicide mais l’extermination de cette racaille !
« Dois rester détendu et concentré sur le processus. Fascinant… absolument fascinant. L’impression que très bientôt je serai tellement concentré sur le processus que je finirai par en faire partie et me laisserai aller dans l’éther et deviendrai une partie de chaque atome, chaque proton et quark et résonnerai dans l’univers… l’univers entier, entier…Qui sait, peut-être qu’un jour ça va s’arrêter. Oh, quelle sublime pensée, flotter ainsi, affranchi du corps et de l’esprit, juste une pulsation dans l’espace… mais ça serait ma pulsation, ma conscience, conscience de liberté, libre de l’étau oppressant qui m’a écrasé toute ma vie et des types comme Barnard qui ne cessent de me frustrer, de me torturer, me lassent avancer jusqu’à un certain point puis me claquent la porte au visage, m’obligent à lutter juste pour prouver que je mérite mon pain quotidien, bon sang quelles brutes ces types, pire que ces mafiosi, au moins eux ce sont franchement des voleurs et des assassins, mais ces types ils font toujours semblant d’être votre ami, d’être là pour vous aider – nous aider! Nous aider à devenir fous. »
Monologue hallucinant et halluciné de 250 pages nous entrainant par le biais de ses réflexions labyrinthiques dans sa folie destructrice. Récit paranoïaque qui se révèle dans ses phases les plus déchainées, son monologue oscille entre le cheminement de son plan, son exécution et des délires quasi mystiques, le tout conté, telle une diatribe, à un rythme incroyable.
Hubert Selby Jr. livre un roman « testament » génial et dingue, toute la verve et le génie de l’auteur en un seul texte court mais percutant. La traduction de Claro – inutile de préciser comme à son habitude : au poil ! – contribue à rendre « Waiting Period » culte et incontournable pour toutes personnes n’ayant jamais approché l’univers de l’auteur.
Ted.