Prétextat Tach, un génie littéraire, obèse et difforme, adulé, prix Nobel de littérature, personnage mythique son époque, vivant reclus dans son appartement depuis des décennies, va bientôt mourir. Il est atteint par un cancer des cartilages, plus précisément du syndrome d’« Elzenveiverplatz » (nom inventé). Il n’en a plus que pour quelques semaines, quelques mois tout au plus. Seul parmi ses romans, ne sortant de chez lui seulement pour se restaurer, dédaignant son succès avec mépris, tout le monde veut savoir qui il est vraiment, et les journaux s’emparent de son cas.
(…)mes livres sont plus nocifs qu’une guerre, puisqu’ils donnent envie de crever, alors que la guerre, elle, donne envie de vivre.
Un manège de journalistes s’organise alors pour obtenir l’ultime l’interview du génie littéraire. Cependant, aucun journaliste ne sortira indemne de ces entretiens car Prétextat Tach est une brute, un sadique manipulateur aigri et misogyne. Leur servant insultes, humiliations et breuvages écœurants sur un plateau, tout le monde sortira de son appartement en courant sans jamais plus vouloir y remettre un seul pied.
Ça, mon cher, ça vous apprendra à m’enregistrer. Si vous preniez des notes comme un journaliste honnête, vous pourriez censurer les horreurs séniles que je vous raconte. En revanche, avec votre machine, pas moyen de faire le tri entre mes perles et mes cochonneries.
Des concertations sont alors tenues au café en bas de l’appartement de l’écrivain pour écouter les bandes enregistrées et tenter de percer le secret du grand Tach et comprendre comment un prix Nobel de littérature peut être une personne si monstrueuse et mystérieuse.
– Un cœur ? Grand Dieu, pour quoi faire ?
– Pour les sentiments, l’amour.
– Ces choses là n’ont rien à voir avec le cœur.
Nina, plus que tous les autres, a saisi l’essence de la personnalité de Prétextat Tach car elle a su lire entre les lignes de ses romans, mieux que n’importe qui; ce qui ne laissera pas le vieil écrivain insensible et le poussera aux extrémités les plus insensées. Il est question de prophétie, de croyances mystiques, d’amour et de meurtre.
Nous découvrons alors le passé douteux du célèbre écrivain Nobelisé, en plongeant peu à peu dans l’horreur et la stupeur d’une enfance particulièrement étrange et lugubre, sans plus savoir à qui se fier; tant chaque personnage devient alors inquiétant.
C’est un roman noir, écrit cependant non sans traits d’humour, sorte de huis clos, Amélie Nothomb nous offre alors une réflexion sur le métier d’écrivain et la façon dont nous accueillons les livres dans nos vies de lecteurs. Savons nous vraiment lire? Que gardons nous de nos lectures et qu’avons-nous compris de nos auteurs préférés? Peut-être y a-t-il parmi nos plus grands romanciers, des assassins qui dissimulent leurs aveux dans leurs oeuvres?
Amélie Nothomb est réputée pour ses oeuvres baignant dans un univers à la fois fantastique et grotesque. Telle Alice au pays des merveilles, elle nous emmène dans un univers semblable à celui dans lequel nous vivons, mais dans lequel tout converge de façon progressive dans une douce et sombre folie.
1992, Albin Michel
199 pages