Ballas est un raté. Un ivrogne, un ramassis de névrose qui passe le plus clair de son temps dans les caniveaux, les seuls endroits qui lui sont accessibles après une immense beuverie. Voleur, menteur, ivrogne, il cumule à lui seul tous les maux du pays. Cet immense colosse hirsute évolue seul avec son whisky, il vit de ce qu’il vole. Jusqu’au jour où après une sévère baston un prêtre le recueille et le soigne, Ballas, pour le remercier, lui vole un objet qu’il n’aura jamais dû. Un objet pour lequel l’Église, menteuse et manipulatrice, n’hésitera pas à le poursuivre à travers le monde afin de mettre fin à ses jours. Son seul espoir réside peut-être dans une étrange rumeur. À l’autre bout du monde, derrière des chaînes de montagnes infranchissables, se trouve un pays autarcique où l’Église n’a aucune influence. Belthirran. L’endroit qu’il lui faut.
« — Les rues sont dangereuses. Il y a des gardes sur chaque trottoir, à chaque croisement. Ils sont aussi nombreux que des asticots sur un morceau de porc avarié.
— Vous comparez les gardiens de la loi de l’Église à des asticots ? demanda Ballas, surpris.
— Pardonnez-moi. J’insulte les asticots. »
« Monument » de Ian Graham est un roman osé et original qui déjoue les codes de la fantasy dite classique. Abandonnant les protagonistes stéréotypés, l’auteur nous conte la vie d’un ivrogne dégueulasse et terriblement dégoûtant qui devra parcourir un pays tout entier pour échapper à la condamnation qui l’attend. Le Chêne de la Pénitence. La pire de toute. La plus douloureuse, celle où l’Église utilise une magie, pourtant interdite par eux-même, pour garder l’âme du défunt intact pendant qu’on lui coupe la tête et qu’on lui insère un immense clou dans le front.
Ian Graham déconstruit les mythes de la fantasy et façonne un univers plutôt solide, qui tend à se rapprocher de l’époque moyenâgeuse. Il rend les autorités corrompues où l’influence de l’Église se rapporte de la dure période de l’inquisition. Dans son roman les personnages ont un passé très peu évoqué, ce qui laisse le choix aux lecteurs de l’imaginer comme ils l’entendent. Les rares informations que l’auteur donne au fil de la lecture ne suffisent pas à prendre en sympathie le personnages principal. Il reste, pour le lecteur, l’anti-héros dans tout sa splendeur.
Si au fur et à mesure du roman Ian Graham surfe dangereusement sur la vague des clichés il arrive toutefois à s’en défaire en imposant sans cesse des retournements de situations improbables. Pas de place à l’amour ou à l’amitié, c’est pour les faibles. Ici on vole, on tue et on ment. L’humain est sombre et sauvage … mais Ballas l’est encore plus.
« — Vous êtes ici depuis l’ouverture, ajouta-t-elle en levant les yeux. Et j’ai rarement vu quelqu’un boire autant. Vous avez englouti l’équivalent d’une rivière, monsieur. Vous n’allez pas nous faire des misères, au moins ? »
« Monument » est un récit agréable et original. Si on peut à certains moments lui reprocher son côté trop « clichés » on ne peut que reconnaître l’originalité de la trame principale. Afin de se défaire complètement du genre « fantasy » l’auteur nous livre même une fin quelque peu osée… Pour ma part, c’est jackpot.
378 Pages
Éditions Bragelonne
Traduction : Annette Vincent
Ludo