Le retour de Ian McEwan, seulement quelques semaines après “Une machine comme moi”. Un roman court et efficace, une analyse de notre monde, voici Le Cafard.
« Les questions au Premier ministre. À combien de séances n’avait-il pas assisté, captivé, tapi derrière les lambris vermoulus, en compagnie de quelques milliers de connaissances distinguées ? Tout lui était si familier, les questions criées par le chef de l’opposition, les brillantes dérobades, les railleries divertissantes et les bêlements plus vrais que nature. Ce serait un rêve devenu réalité d’être primo uomo de cette opérette hebdomadaire. »
Jim Sams se réveille humain ! Ce cafard, de naissance, au lendemain d’une fuite, se réveille humain, et pas n’importe lequel ! Il est le Premier ministre de l’Angleterre. Étant doté de la conscience de l’humain hôte, Jim Sams se retrouve impliqué dans le grand changement à venir pour l’Angleterre, et pourquoi pas le monde : Le Reversalisme !
Ce projet, ambitieux et visionnaire selon les défenseurs, ayant pour but de changer l’ordre de circulation de l’argent. Ainsi, l’on vous paye pour vos courses, vous payez pour travailler, etc… On est dans l’absurde ? Pas sûr !
Se revendiquant comme étant le digne successeur et étant directement influencé par « La métamorphose » de Kafka, ainsi que « La modeste proposition » de Jonathan Swift, L’auteur s’essaie à la dystopie courte et fortement politisée. Une pratique qui peut paraître plutôt classique et un pur exercice littéraire, mais qui ici fonctionne et donne à réfléchir sur notre monde à l’heure du Brexit et de la pandémie.
Comment va notre monde ? Où allons-nous ? Les choix que nous devons prendre, l’élite et son auto-centrisme financier, ainsi que l’intelligence de certains dirigeants actuels…Notre monde, par le truchement du personnage de McEwan est finement ausculté et interprété, l’absurdité humaine jugé par un cafard!
Non sans esprit et humour, l’auteur s’amuse des situations, et pousse le « Réversalisme » jusqu’à l’absurde. Nous renvoyant, par ce biais, inlassablement, l’image de notre société en perte de vitesse et de valeur. Ici, l’on parle des Britanniques, mais nous pouvons, par extrapolation l’appliquer à l’Europe ainsi qu’aux États-Unis.
Il y a du Black Mirror dans ce court roman, quelque chose de divertissant et dérangeant à la fois. On lorgne sans cesse vers l’absurde, mais en même temps vers une crédibilité plutôt confondante. La dystopie n’aura jamais été aussi populaire que ces années-ci et le cafard vient ajouter une nouvelle pièce au style.
Une fois de plus Ian McEwan, divertit, amuse et questionne. Après son excellent « Une machine comme moi » paru en début d’ année, ce court roman est autant une belle surprise, qu’une relecture truculente et pertinente de notre monde actuel.
Gallimard,
Trad. France Camus-Pichon,
153 pages,
Ted.
Ouuuuh que ça a l’air bizarre! Mais bon, c’Est McEwan. Du coup, je lirai quand il sortira!