Autant se l’avouer, et par conséquent jouer la transparence totale, Lisez l’article d’Hugues Robert sur son blog ! C’est ce dernier et son amour pour la trilogie Lyonesse qui m’ont dans un premier temps intrigué, puis implanté une idée, une envie en tête pour finalement lire le premier tome en deux jours et demi. Donc si je vous parle du Jardin de Suldrun aujourd’hui, c’est grâce à lui.
Jack Vance fait partie du Panthéon des auteurices de la SF, ceux qui ont modernisé et crée un champ des possibles quasiment infini. Mêlant autant l’amour des histoires rocambolesques et improbables, qu’abordant des questions philosophique, métaphysique et/ou déclinant l’amour du verbe frénétiquement durant une vie de labeur derrière leurs machines à écrire. Il a fait partie de ses fondateurices là et aujourd’hui nous redécouvrons le talent et le génie d’un auteur grâce aux travaux de passionnés et acharnés, des amoureux des genres, des aventuriers défrichant, retraduisant et redonnant une chance à des livres souvent oubliés, et dans tout les cas devenant de plus en plus rare sur le marché. Mais Jack Vance était avant tout un écrivain et un bâtisseur de monde. Sa boulimie créatrice le poussa de la Science-fiction à oser essayer d’autres genre en s’aventurant dans la littérature policière et ici dans la fantasy.
Lyonesse est un cycle en trois tomes écrit entre 1983 et 1989 de fantasy pré-arthurienne se déroulant sur les anciennes isles au large de la côte atlantique française et au sud de l’Irlande. Archipels disparues de nos jours, les isles anciennes se composent d’une île principale avec des îles moyennes et de plus petites îles autour. Territoire divisé en région avec un royaume défini par région, il fut un temps où les isles anciennes était un royaume uni, mais depuis la division règne et dans ce marasme, Casmir, roi de Lyonesse, rêve en secret de réunifier et diriger de grand royaume.
C’est ainsi que dans « Le jardin de Suldrun » nous découvrons ces terres de légendes, de chevaliers et de magies, ou vivent fées, magiciens, ogres, et autres personnages du bestiaire fantastique médiéval. Dans le royaume de Lyonesse, Suldrun, la fille de Casmir, est à part, rejeté par sa famille, vivant à l’écart et sous la direction de femmes strictes avec elle, Suldrun aime être seule et s’isoler sur une corniche et une plage loin des regards. Une longue solitude agréable pour elle et lui permettant de fuir les impératifs d’arrangements pour le projet de son père en lui imposant un mariage d’alliance. Mais quand un jour, Suldrun, sur la plage, tombe sur le corps presque sans vie d’Aillas de Troicinet (une île ennemie au royaume de Lyonesse), la vie de Suldrun va subitement prendre un tout autre destin et les événements des isles anciennes aussi.
Dites vous, qu’en l’état, et en comprenant l’idée du résumé de l’édition de poche, je vous ai volontairement résumé le premier tiers du premier tome, il s’agit là du point de départ d’un cycle de plus de 2000 pages ( pour l’édition de poche). Et autant vous dire que vous ne vous attendez certainement pas à lire un livre comme Le jardin de Suldrun.
Nous découvrons un auteur ayant une connaissance assez pointue du monde médiéval, de l’histoire de cette époque en Europe, des légendes arthuriennes et du folkore européen. Cette culture et érudition chez Vance transpirent de générosité durant toute la lecture du Jardin de Suldrun, pas une seule fois vous allez vous ennuyer, ou trouver de longueur, pire vous trouverez même quelques passages trop court ! Et vous en redemanderez.
À l’image des nombreux repas dans le livre, qu’est-ce qu’il mange dans ce premier tome, c’est dingue, le jardin de Suldrun est généreux, foisonnant, ingénieux et astucieux. Le récit vous déconnecte du réel, vous plonge dans un univers de féerie et de magie, tout est grandiose, tout est enchantement et frisson, chaque moment est d’une beauté sans pareil et la dramaturgie de certains passages en devient bouleversante d’intensité.
Cette générosité implique aussi un nombre conséquent de personnages, mais n’ayez crainte, l’auteur aime son histoire, aime la raconter et veut que vous l’aimiez autant que lui, alors, sans vous prendre par la main non plus, l’auteur sait placer suffisamment de balises pour ne jamais vous perdre.
Jack Vance avec Le jardin de Suldrun cotoie le génie de Tolkien, Le Guin ou encore Hobb, comme le dit Hugues Robert dans son article :
« Tout au long de ces trois volumes, Jack Vance organise une complicité joueuse avec son public, l’autorisant à prendre place à bord d’une narration dont le suspense n’est pas l’objet réel, qui est bien plutôt celui de la transformation progressive des clichés et des tropes de la fantasy en général (avec sa composante mélodramatique bien connue) d’une part, des idiosyncrasies propres à l’auteur de la « Terre Mourante » d’autre part, en un matériau fabuleux, à la fois précis, poignant et intelligent, où les surprises attendues avec espoir se marient harmonieusement aux développements inexorables. C’est ainsi que l’on peut revenir encore et toujours dans les Isles Anciennes, même sachant parfaitement quel sera le destin de chacun des protagonistes à l’issue de « Madouc ». Et c’est bien là le signe d’une œuvre belle et forte s’il en est. »
Alors, respectez-vous et lisez Lyonesse, puis une fois sous le charme parlez-en, offrez-le, relisez-le, c’est grandiose!
Le livre de poche (édition poche en 3 volumes),
763 pages,
Trad. Arlette Rosenblum,
Mnémos (intégrale),
Trad. Arlette Rosenblum et E.C.L. Meistermann,
Traduction revue et complétée par Pierre-Paul Durastanti,
944 pages,
Ted.