Los Angeles, une famille nippone est retrouvée morte, les corps alignés les uns à coté des autres. La scène fait penser à un suicide général, un seppuku. Un mot annonçant l’apocalypse est retrouvé dans la salle de bain. La police de L.A, dans cette ambiance de guerre imminente avec le Japon et surtout à la veille de Pearl Harbor, veut se débarrasser au plus vite de ces crimes et cherche à fabriquer un coupable idéal. Hideo Ashida, d’origine japonaise, fait partie de la police scientifique. Il est tiraillé entre le besoin de faire son devoir de policier, l’envie de faire avancer ses inventions et recherches, et le désir d’être bien vu par un certain Dudley Smith, flic véreux qui magouille avec tout le monde et surtout avec les chinois.
Perfidia inaugure un nouveau Quatuor se déroulant dans l’Amérique des années 40. Ellroy revient à Los Angeles, après avoir contemplé, analysé et torturé l’histoire de l’Amérique des années JFK jusqu’au Watergate, il a décidé de revenir sur la ville du DOG, car tout n’a pas encore été dit. Il est malin le père Ellroy, son nouveau Quatuor est en fait le prélude à un autre quatuor déjà écrit quelques années en arrière, notre auteur de polar de génie a pour ambition de terminer cette série-çi là où commence « Le Dahlia Noir ». Donc si on se résume comme il faut, à travers deux quatuors et une trilogie, James Ellroy aura raconté en onze tomes l’histoire de Los Angeles et des Etats-Unis sur une période de trente ans. Un projet titanesque et ambitieux que seul un auteur de cette trempe là est capable de mener à bien.
Perfidia souffre de quelques longueurs, mais reste du pur Ellroy. L’écriture est moins hachée et plus rythmée que dans la trilogie Underworld USA, elle est également moins romancée et plus journalistique que le Dahlia Noir, Le Grand Nulle part ou encore L.A Confidential. Il a su prendre le meilleur de ses deux périodes pour se renouveler et offrir un œil quasi neuf sur Los Angeles. Je dis quasi neuf car il a gardé tout ce qu’on aime chez lui ; les magouilles, les rackets, les extorsions, les flics véreux, les racistes, les starlettes de cinéma, les potins mondains, tout ce travail d’ambiance, cette marque de fabrique « ellroyenne » en quelque sorte nous retombe dessus, nous berce dans son monde et surtout c’est tout ce qu’on aime chez lui.
Je disais plus haut que Perfidia souffre de quelques longueurs, il faut que je m’explique, car on n’accuse pas un auteur de ce gabarit là sans justification. Perfidia est un roman colossal de 835 pages qui est surtout le premier tome d’un quatuor qui s’annonce gargantuesque. Il est obligatoire à ce compte là d’imposer quelques longueurs aux lecteurs sur le premier tome – ce n’est pas désagréable à lire non plus- pour pouvoir créer un travail de fond et une base solide qui va servir d’appui aux trois autres volumes de la série. Ainsi ce développement nous plonge dans un contexte géopolitique richement détaillé, les personnages gagnent en complexité et en profondeur et surtout ces longueurs contribuent au travail d’ambiance et vont permettre d’insuffler une certaine dynamique pour la suite des évènements (paradoxale non ? mais en même temps on parle d’Ellroy non ?). Donc ne vous démotivez pas, c’est voulu et c’est à bon escient.
« La guerre. Les calomnies xénophobes. Vingt-trois jours, cette tempête, reminisenza. »
Il faut mentionner le travail de traduction de Jean-Paul Gratias, qui contribue nettement à la mise en ambiance et au respect de l’univers de l’auteur. Il est traducteur d’Ellroy depuis 1998 et la qualité est de mise encore une fois. Pour terminer je me permettrais de dire deux choses, si vous êtes lecteur de longue date d’Ellroy, alors foncez c’est du grand même du très grand Ellroy. Si vous n’en avez jamais lu, alors Perfidia est une aubaine pour vous, car après tout il s’avère que Perfidia est le premier tome d’une série de onze livres et que c’est la porte d’entrée sur une fresque, que dis-je une saga incroyable à lire !
Rivages/ Thriller
835 pages
Trad. Jean-Paul Gratias
Ted