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Jean-Marc Ligny

Bonjour Jean-Marc, pouvez-vous présenter à nos lecteurs ?

Jean-Marc Ligny, 57 ans, auteur de science-fiction. Et traducteur aussi (anglais-français), de romans de SF principalement. Amateur de films de SF aussi (les bons, avec un vrai scénario) et de musiques bizarres qu’on n’entend jamais à la radio.

À partir de quel âge avez-vous envisagé de devenir écrivain ? Était-ce suite à une découverte littéraire ? Une envie de coucher ses sentiments sur papier ?

Je suis tombé dans la science-fiction quand j’étais petit, à l’âge de 8 ans, à la faveur d’une rougeole, quand mon père m’a offert pour m’occuper « Le sang des astres », de Nathalie Henneberg, « L’assaut de l’invisible » d’Alfred Van Vogt et, je crois, « La machine suprême » de John W. Campbell, tout ça au Rayon Fantastique, qu’il avait dû payer 3 F chez un bouquiniste. C’était surprenant, parce que mon père ne lisait pas de SF, il était plutôt polars. Mais il avait vu que j’aimais Jules Verne, donc il s’est dit que ça devrait me plaire… Ça a été une des grandes claques littéraires de ma vie, surtout « Le sang des astres ». Je l’ai encore, mais je n’ose pas le relire…

Je n’ai réellement envisagé de devenir écrivain qu’à l’âge de 20 ans. Auparavant, j’ai rêvé de devenir astronome (space-opéra oblige…) mais les maths c’était trop dur. Après j’ai voulu être guitariste dans un groupe de rock, mais je ne jouais sans doute pas assez bien de la guitare. C’était avant le punk, fallait être super-doué à l’époque, jouer comme Hendrix ou Jimmy Page, alors… Mais j’écrivais des chansons, des poèmes, ce qui m’a amené assez naturellement à écrire des nouvelles puis des romans. Je n’avais pas de problème avec le français, en revanche. En fait, c’est l’échec de mon avenir musical qui m’a poussé à me lancer dans la SF…

À l’heure actuelle quel est votre livre de chevet ?

« Time*Out », d’Andreas Eschbach, le 3e volet de sa trilogie chez l’Atalante. C’est un peu ado comme lecture, mais ça délasse. Pas du « grand » Eschbach ceci dit. Après je vais attaquer « Métro 2034 », la suite de « Métro 2033 » de Dmitry Glukhovsky. Ou bien un Spinrad que je n’ai pas encore lu, « Bleu comme une orange » peut-être.

Quel est votre meilleur moment littéraire ? Et le pire ?

Des meilleurs moments littéraires, j’en ai eu plusieurs. La découverte de Philip K. Dick avec « Le dieu venu du Centaure », tout d’abord – j’ai lu pratiquement tout Dick depuis. « Le temps incertain » et ses suites de Michel Jeury. « Les Seigneurs de l’Instrumentalité » de Cordwainer Smith – j’ai lu l’ensemble au moins 3 fois, à mesure des éditions revues et augmentées. Brunner, Spinrad, Shepard… « La parabole du semeur » et « La parabole des talents » d’Octavia Butler. Plus récemment, « Des milliards de tapis de cheveux », d’Andreas Eschbach justement – son chef d’œuvre absolu. “La horde du contrevent” d’Alain Damasio, un pur OVNI littéraire. Et les quatre recueils de Sylvie Lainé chez ActuSF : « Le miroir aux éperluettes », « Espaces insécables », « Marouflages » et le dernier qui vient de sortir, « L’opéra de Shaya ».

Des pires moments littéraires, j’en ai eu aussi, mais en général je n’insiste pas si le bouquin me tombe des mains. Là je ne peux guère citer de titres, je ne les garde pas en mémoire. Mais je me souviens aussi que c’est en lisant des mauvais Fleuve Noir que je me suis décidé à écrire, en me disant que je ne pouvais pas faire pire et que s’ils publiaient ça, j’avais quand même mes chances… 😉

Plusieurs de vos livres ont pour genre l’univers post-apocalyptique, pourquoi cette orientation ?

Parce que dans mes accès de pessimisme, je me dis qu’avec le réchauffement climatique désormais irréversible et la façon de le non-gérer par les instances au pouvoir, l’humanité est mal barrée et aura beaucoup de mal à s’en relever. Mais en fait il n’y a que « Exodes » qui est réellement un post-apo. « Aqua™ » est un thriller politique plutôt pré-apo. Ah oui, il y a eu « D.A.R.K. » aussi dans ma jeunesse, mais là c’était une histoire de guerre…

Votre roman Aqua™ aborde un sujet passionnant basé sur des faits probables et/où réels. Vous avez travaillé ce livre en combien de temps et de quelle manière ?

« Aqua™ » m’a pris cinq ans en tout mais en vérité trois ans de travail effectif, vu que je me suis planté dans le désert avec mes héros en plein milieu du livre et qu’il m’a fallu deux ans pour trouver la sortie (j’ai fait autre chose pendant ce temps). J’ai mis une bonne année rien qu’à me documenter, docu qui s’est poursuivie du reste tout au long de la rédaction de ce livre. D’où son aspect très réaliste. Faut dire qu’il se passe dans un futur très proche (2030), je ne pouvais pas raconter n’importe quoi, il fallait coller au plus près à la réalité et à ses extrapolations possibles ou plausibles.

Quatre prix en 2007 pour votre roman Aqua™, en rentrant chez soi le soir on se sent comment ?

Fier ! On le serait à moins ! On se dit que tout ce travail n’a pas été vain, que ça a touché un certain nombre de lecteurs, dont des membres de jurys… Mais ce qui m’a rendu encore plus fier, ça a été sa publication en Allemagne – pays très concerné par l’écologie – et en Chine – pays qui ne l’est pas du tout. J’aimerais bien savoir comment les Chinois l’ont pris… Malheureusement je n’en ai aucun écho.

Quelles sont vous sources d’inspirations pour écrire un livre ? Les médias (journaux, films…) jouent-ils un rôle important ?

Plus ou moins. Ils peuvent donner une idée de départ, ou quelques idées annexes. Mais pour « Aqua™ » et « Exodes » par exemple, mes sources d’inspiration ont été clairement les ouvrages de fond que j’ai lus sur le climat, son évolution, son impact social, la transformation – ou la disparition – du système capitaliste/impérialiste actuel, les crises et conflits à venir à cause du climat ou des pénuries de ressources, etc. Ça m’a donné toute la trame, le background. Après, pour des points de détails, je fouille plutôt sur le Net… ou je demande aux amis. Par exemple, Lucie Chenu m’a grandement aidé à préciser les travaux de mon généticien dans « Exodes »…

Au fur et à mesure de vos romans on sent une évolution constante, des univers plus solides, des personnages travaillés en profondeur et une plume de plus en plus raffinée. Quand vous faites un flashback sur vos premières années d’écriture vous y voyez quoi ?

Les premiers pas un peu vacillants d’un débutant, plein d’idées mais ne sachant pas vraiment les mettre en forme… Je n’ai commencé à voir l’intérêt de se documenter et l’utilité de dresser un plan préliminaire qu’à partir de « Yurlunggur », mon 4e roman. Avant j’avançais à tâtons dans une jungle d’idées pas toujours bien maîtrisées. Puis mon passage au Fleuve Noir et les séries que j’y ai produites, si elles n’étaient pas inoubliables d’un point de vue littéraire – loin s’en faut –, elles m’ont au moins appris la rigueur d’un planning et la constance dans l’effort. Fallait que je ponde un bouquin tous les deux mois quand même… Ce n’est qu’après que j’ai commencé à écrire des romans dont je peux être fier, à partir de « La Mort Peut Danser » je dirais. (Même si je ne renie pas du tout « Yurlunggur » ou « Yoro Si » chez Denoël, qui sont plutôt des romans fantastiques du reste.) Et puis écrire pour la jeunesse m’a également appris à fluidifier mon style…

Écrivez-vous en musique ?

Souvent. Je choisis mes morceaux – ou mes genres musicaux – avec soin, ce qui me permet de me plonger dans une ambiance propice, et faire abstraction de mon environnement (plutôt calme dans mon petit village, mais quand même, ce n’est pas une île déserte). Par exemple, pour mon roman en cours, j’ai découvert avec délice la bande-son idéale : This Morn’ Omina, un groupe belge de musique tribale (« rituelle », selon eux) basée essentiellement sur des percussions, qui colle parfaitement à l’univers que je décris. Je me passe leurs albums en boucle, et ça me met presque en transe parfois. C’est pourquoi j’indique toujours sur mes bouquins la musique que j’ai écoutée, en me disant que les lecteurs pourraient revivre la même expérience – à condition, bien sûr, que ces musiques les touchent. Je ne reprocherais à personne d’avoir lu « Exodes » sur du Céline Dion – chacun ses goûts.

Groupie que je suis, il paraît que vous travaillez actuellement sur un nouveau projet ? Pouvez-vous nous en parler un peu ? L’univers, l’histoire, l’intrigue ?

Oui, ce bouquin va s’appeler « Semences » et ce sera le troisième tome de ce qui est devenu une trilogie climatique, démarrée avec « Aqua™ » et poursuivie avec « Exodes ». Dans « Semences », le climat a tellement changé que la Terre ne ressemble plus guère au monde qu’on connaît. Là je m’inspire des bouleversements climatiques qui se sont produits dans le passé, la différence étant que celui qu’on vit actuellement est d’une rapidité sans précédent. Les survivants de l’humanité, répartis en tribus plus ou moins primitives et adaptées à leur environnement local, sans guère de contacts entre elles, ont tout oublié du « passé glorieux » de l’humanité ou n’en connaissent que des légendes assez déformées que leur disent des conteurs. Un jour, un homme bardé de technologie vient mourir à proximité d’une grotte habitée par une de ces tribus… Ce qui va lancer mes deux héros dans une longue quête pour savoir d’où vient cet homme qui semble issu tout droit des « Âges Sombres »… On va ainsi explorer cette nouvelle Terre avec eux.

Je dois préciser, pour ce bouquin situé dans un avenir plus lointain (pour lequel la doc fait un peu défaut) que je bénéficie de l’aide et du soutien enthousiaste et actif du laboratoire du LSCE (une branche du CNRS d’études sur le climat) de Gif-sur-Yvette, où travaille notamment Valérie Masson-Delmotte, spécialiste des paléoclimats et membre du GIEC. Une aide précieuse et appréciée – ô combien ! En outre, pour l’élaboration du scénario et la relecture sur le vif, je bénéficie de l’aide tout aussi précieuse et appréciée de Sylvie Lainé, bien plus douée que moi dans le domaine des relations humaines…

Une date de sortie avant que je n’ai plus d’ongles ?

Je dois le donner à l’Atalante fin février 2015, et la sortie est prévue pour le printemps 2015.

Avant de nous quitter, votre top 5 littéraire ?

Heu… En vrac et dans le désordre, je les ai déjà cités je crois : « Les Seigneurs de l’Instrumentalité » de Cordwainer Smith ; plusieurs romans de Dick (« Ubik », « Le dieu venu du Centaure », « Substance Mort »…) ; « La horde du contrevent » d’Alain Damasio ; « Des milliards de tapis de cheveux » d’Andreas Eschbach. « Cent ans de solitude » de Gabriel Garcia-Marquez (il n’y a pas que la SF dans la vie…)

Un dernier mot pour la fin ?

Rendez-vous dans un an pour la sortie de « Semences »… Cette fois je vais essayer de respecter les délais !

 

Merci infiniment à Jean-Marc Ligny de s’être prêté à l’exercice avec une telle générosité ! Si toutefois vous n’avez pas encore découvert le monsieur je vous invite à fouiller sur le site internet !
Interviewé par Ludo

 

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Fondateur, Webmaster

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