Annihilation nous laissait avec pas mal d’interrogations. Nous avions à peine apprécié sa cartographie, sa faune et sa flore que le roman se terminait. Nous n’en savions pas plus sur les onze expéditions précédentes et la conclusion nous laissait penser que la douzième serait relayée au même mystère pour l’équipe du Rempart Sud. La biologiste, du moins son carnet ne nous donnait pas énormément d’indication et privilégiait son point de vu ce qui impliquait, fatalement, un recul nécessaire quant à son objectivité face à certains évènements.
Autorité reprend quelques temps (jours ? semaines ? mois ?) après la douzième expédition. Control, John Rodriguez de son vrai nom, se retrouve parachuté directeur du Rempart Sud par Central, l’autorité supérieur. Sa mission étant de remettre de l’ordre et de clarifié la situation. L’ancienne directrice faisant partie intégrante de la douzième expédition a purement et simplement disparue. Control se retrouvant confronté à une équipe méfiante, en particulier la directrice adjointe, des énigmes à comprendre et résoudre ainsi que des notes et des enregistrements vidéos pour le moins étranges et dérangeants, va mettre le doigt dans un engrenage qu’il n’aurait jamais pu anticiper.
Deuxième volet de la trilogie du Rempart Sud de Jeff Vandermeer, Autorité tranche par la forme, le rythme et le style. Là où Annihilation prenait des allures de carnet de voyage, et empruntait allègrement au style de Lovecraft, Autorité ose le roman d’espionnage.
Dans une narration à la troisième personne et très linéaire en apparence, l’auteur distille le mystère et le fantastique au compte goûte. Dans une mise en tension anxiogène, nous retrouvons tous les codes qui ont fait la gloire de John Le Carré ou Robert Littell. Ce qui aurait pu déranger et faire tomber l’intérêt pour le roman et l’univers installé dans le premier volet. En effet Annihilation avait un tel parti pris et une telle maitrise de son histoire et du rythme, que le changement de cap dans le second volet aurait pu perdre le lecteur. Mais, finalement, c’est avec un talent indéniable que l’auteur arrive à tenir le style et offrir une direction différente à sa trilogie tout en confirmant tout le bien que l’on pensait de son précédent roman.
La zone X n’est plus le décor principal du second volet, elle est même relayée au second plan. Ici, l’auteur s’intéresse au Rempart Sud, ce bâtiment militaro-scientifique sensé surveiller et tentant d’endiguer la progression de la zone X. tout en suivant Control, son arrivé, sa découverte, ses recherches, etc… nous découvrons un lieu tout aussi inquiétant et dérangeant, comme si la zone X avait réussi à avoir de l’emprise sur ceux qui travaillent sur place et à les transformer psychologiquement au fil du temps. Les incohérences qui sautent aux yeux de Control prennent sens petit à petit, offrant une vision alternative du lieu et des personnages.
Un deuxième volet fort en tensions et questions, qui captiveront le lecteur de la première à la toute dernière page. La zone X n’étant jamais bien loin, et le retour plus qu’inquiétant de trois des quatre exploratrices de la douzième expédition épaississent encore plus le mystère. Le lecteur tâtonne autant que Control et les découvertes sont aussi surprenantes pour notre héro que pour nous.
Autorité est une réussite, une suite rompant volontairement avec Annihilation, mais offrant un nouveau regard sur la zone x et les ingérences du gouvernement. L’ombre de Central (l’autorité supérieur) inquiète encore plus que la zone X et les survivantes sont autant de mystères que le pot de fleur et le rat mort retrouvés dans le bureau de l’ancienne directrice. Une trilogie surprenante par son thème et par son choix volontaire de jouer avec les genres pour donner encore plus de profondeur au propos.
Au Diable Vauvert,
Trad. Gilles Goulet,
395 pages,
Ted.