Un jour, un auteur et illustrateur du nom de Jérémie Horviller a poussé les portes de l’orphelinat d’Imastu, bourgade située en plein coeur de l’Estonie. Entre les murs de ce foyer, il a rencontré des enfants abandonnés à cause de leurs pathologies physiques ou psychiques et en est ressorti marqué. De cette expérience poignante et surement douloureuse, l’auteur a imaginé le quotidien d’Ulrica, une fillette errant dans l’enceinte d’un bâtiment sans échappatoire et prisonnière de son propre cloisonnement mental: Imastu, roman graphique muet, en est l’histoire.
A travers cette plongée en eaux troubles, ponctuée de seulement six phrases rythmant la découpe du récit visuel, le lecteur découvre le monde rempli de souvenirs, de sensations disparues et de chimères tortueuses qui papillonnent derrière les yeux d’Ulrica. Sombres et perturbées, les figures qui peuplent son esprit halluciné font références à de nombreux symboles et parangons ramenant à l’égarement, le Moi ou encore l’instabilité mentale, renforcés par des références marquées à des peintres, photographes et artistes tels que Van Gogh, Diane Arbus, Hozukai, Otto Dix, le tout évoluant dans un style graphique évoquant Munch.
Poésie et folie tourbillonnent, les univers rêvés et réels s’imbriquent entre eux sans fin, chaque escaliers menant à une nouvelle pièce sans fenêtre, à un miroir débouchant sur une forêt sombre, un chemin où les repères s’étiolent. Jérémie Horviller se passe de mot inutile ou encombrant et dérive dans l’esprit malade d’Ulrica: un peu à la manière d’une Alice qui n’est jamais revenue de l’autre côté du miroir, sa protagoniste erre sans fin dans les méandres de ses souvenirs. Peu à peu, de fil en aiguille, le voile se lève sur la raison de sa présence dans cet orphelinat, raison douloureuse et poignante.
Le trais de l’illustrateur, épais, hachuré, tout en noir et blanc, ne laisse pas place à la joie ou à l’émerveillement mais retranscrit au contraire tout le poids du mal-être et de la psychose; certes, Ulrica s’évade dans sa tête, parcoure milles et un lieux, certains sont effrayants et glaçants, d’autres tristes et nostalgiques, mais parviendra-t-elle a franchir ses peurs et s’évader dans un univers plus prometteur?
Vous l’avez compris, Jérémie Horviller ne cherche pas à séduire et appâter le lecteur avec des promesses de légèreté et de rire. Imastu est déstabilisant par l’émotion qu’il y déverse, par l’aspect réel qui se fait ressentir à chaque page. Tout est dans cette possibilité effroyable: celle que nous sommes tous concerné par la folie, quelle soit douce ou violente.
Son expérience propre, vécue il y a quelques années au sein de cet orphelinat d’Estonie est aussi poignante que sombre. La lecture d’Imastu ne laisse pas indemne tant Jérémie Horviller parvient à nous immerger dans la dimension impalpable et sans limite de la folie: c’est un roman graphique aussi inhabituel que marquant.
Editions Le Tripode
95 pages
Caroline
Bonjour Caroline
je suis très touché par votre magnifique texte concernant ma création graphique et je vous en remercie.
Pour information, je travaille actuellement sur l’enfance d’unira Zürn.
Je vous souhaite une belle continuation !