Au cœur de l’Amazonie, au bord d’un fleuve peuplé de caïmans noirs et de mystérieux poissons géants, un père apprend à son fils à pêcher. Ils empoisonnent le courant avec des feuilles de paraja aux propriétés paralysantes, façonnent des bassins avec les pierres de la rive et l’enfant s’applique et se concentre. Le père transmet un savoir-faire ancestral et les traditions de sa tribu à son enfant unique, il est fier et sans doute le plus heureux des hommes en ce moment très particulier. Un doux sentiment de plénitude et de bonheur se dégage de la scène, on aimerait être là, avec eux.
Il suffira pourtant de seulement quelques pages pour que tout bascule soudainement et que nous soyons frappés de stupeur.
Sans jamais quitter la forêt ni s’éloigner du fleuve, le récit suit le père. Les personnages ne sont pas nommés, ce sont des figures universelles à une époque indéterminée, de simples humains happés par la nature à laquelle ils appartiennent.
« Quelle conception erronée du monde est la tienne pour considérer que les humains portent les seuls enfants ? Que seul l’homme peut être accablé de chagrin ou gémir dans la nuit ? ». L’homme n’avait rien à répondre.
Comme dans un conte initiatique, cet homme devra suivre un chemin semé d’embûches sur le territoire d’une tribu ennemie que l’on dit cannibale. La faim au ventre, il suivra aussi un chemin intérieur, tout aussi dangereux. En proie à une indicible souffrance, il sera confronté à la culpabilité, au chagrin et à la peur. Plus que tout, il devra lutter contre le désir de mourir en éprouvant ses limites jusqu’à la folie.
Plus tard, au plus mal et coincé entre deux mondes, loin en lui-même, un pacte avec des forces peut-être surnaturelles lui offrira une possible renaissance.
C’était un soulagement de se sentir si petit. De ramener sa douleur à l’échelle de son existence. S’il n’était pas grand-chose, alors que dire de sa souffrance ?
C’est dans une écriture étonnamment fluide et sereine que Jeremy Robert Johnson nous emporte dans un récit tant sombre que poétique. Imperturbable mais opaque et cruel, comme les eaux du fleuve, ce roman aborde de façon fulgurante et belle les thèmes de l’amour, du deuil et du renoncement. Enfin, c’est une mise en perspective vertigineuse des sentiments les plus intimes face à l’absolue grandeur de la Nature.
Apprendre à se noyer est le premier écrit de Jeremy Robert Johnson publié en France.
Titre original : In the River
Paru le 26 août 2021 aux éditions du Cherche Midi, dans la collection “Vice Caché“
Traduction de l’anglais (Etats-Unis) par Jean-Yves Cotté
160 pages
amélie