Quelque chose s’agite du côté de la Rue de Sèvres, une petite silhouette surgit de l’ombre, un petit visage familier à la fois attendrissant et blême se dresse entre les pages. Des oreilles pointues, un teint grisâtre et un suaire tout effiloché, voici Petit Vampire, tiré de son cercueil par son créateur Joann Sfar.
Premier volet d’un tout nouveau triptyque, Le Serment des Pirates revient sur les origines de ce personnage crée en 1999 autour d’une aventure pleine de merveilleux et de personnages hauts en couleurs.
Dans ce nouvel opus, Joann Sfar change la mise en page des mésaventures de son petit héros gothique, s’adressant à des lecteurs plus adultes, semblant suivre la logique du temps qui a passé sur son public initial. Le cycle des années et l’âge sont d’ailleurs les problématiques principales qui préoccupent Petit Vampire, bien qu’elles ne semblent pas avoir le même effet sur lui que sur les autres. Car il ne vieillit pas, reste figé à ses 10 ans, ce qui peut être tout aussi rigolo que profondément ennuyeux.
Mais avant d’être goule, Petit Vampire était un enfant comme les autres jusqu’à une nuit emplie de lune où un homme au coeur brisé par un chagrin d’amour pète un câble et demande l’aide du Dieu du Néant pour obtenir vengeance.
Ses victimes mère et enfant se réfugient alors à bord d’un bateau-fantôme sous la protection et l’ordre d’un Capitaine squelette aussi tendre que puissant, devenant alors respectivement sa femme et son fils: tout ceci n’est pas sans effets secondaires: pour obtenir la vie éternelle il faut passer par la métamorphose physique, et voilà comment Pandora et son enfant intègre le monde rocambolesque des créatures chimériques.
Les années passent et notre petit héros se lasse de ses journées aussi ténébreuses que ses nuits et en a marre que sa génitrice refuse d’admettre l’anormalité de son quotidien par rapport à ceux des autres enfants. Malgré le cinéclub et l’entrain de ses amis sortis tout droit d’un cauchemar, il rouille, se morfond sec, bref il meurt littéralement d’ennuie! N’y tenant plus, le voilà qui brave les interdits en compagnie de son fidèle pitbull cramoisi répondant au nom rigolo de Fantomate et passe le champ de protection qui le coupe du monde extérieur.
Très vite, il découvre les joies de l’amitié auprès d’un gosse d’Antibes pas très fortiche en mathématiques et plutôt misé dans la catégorie des souffre-douleur de son école. Michel et Petit Vampire se découvrent à travers leurs différences et leurs similitudes, comparent leurs univers à la trame commune mais aux teintes contraires: vie et mort, normalité et différences sont autant de thématiques que Joann Sfar distillent au long de ce conte joyeusement horrifique.
Cependant, le danger menace toujours le petit héros et sa macabre famille dans le vrai monde. Car sous la chaleur rassurante d’Antibes le mal rôde toujours sous la forme d’une silhouette rachitique et élancée à la face émincée de lune, dont les minuscules espions serpentent à travers le monde en quête de la moindre piste. Le terrifiant Gibbous, issus du folklore niçois, enfanté par l’astre pâle et modelé à partir d’effroi et d’angoisse.
Le Serment du Pirate est une jolie madeleine de Proust garantie sans ail où Joann Sfar replonge dans cet univers farfelu et pétillant, sombre et candide qu’on lui connaissait à travers le Petit Vampire d’origine. Toujours saupoudré de cet humour décalé, de sa mise en page et son style graphique baroque et vif ces nouvelles aventures sont plus mûres et plus épiques, pleines de mystères, de rêves, de voyages et de bagarres au sabre et au boulet de canon.
Flottant toujours entre le palpable et le surnaturel, Joann Sfar replace sa saga fétiche dans la cour des grands avec le panache mordant qu’on lui connait.
Editions Rue de Sèvres
64 pages
Caroline