Le courtier en tabac est une des œuvres majeures de John Barth, une des références en termes de littérature post moderne voir même en tant qu’œuvre de métafiction. Ecrit dans les années 50 (sur la fin) et publié en 1960 pour la première fois, ce roman révèle tout l’acharnement de l’auteur à créer un univers, des codes et un langage unique. Reprenant l’écriture de la littérature elisabéthaine, le style narratif et les enjeux politiques, religieux et économiques de l’époque, John Barth intègre subtilement et de manière plutôt cocasse une certaine modernité dans son entreprise, empruntant tantôt à la satire ou au burlesque afin de redonner un second souffle à un genre largement exploité.
Ebenezer Cooke, né dans le Maryland, mais ayant passé sa jeunesse en Angleterre avec sa sœur jumelle Anna, ayant eu pour précepteur l’aventureux et talentueux Burligname, personnage aussi fantasque qu’inquiétant, décide, après avoir été proclamé « Lauréat et poète du Maryland » par Lord Baltimore, de partir aux Etats-Unis, dans le Maryland afin d’exercer ses droits de successions sur les plants de tabac du comté de Cooke et par la même occasion d’offrir au Maryland des comtes épique tout en prose, que seul son génie serait capable d’offrir.
Mais le Courtier en Tabac c’est bien plus que ce simple résumé. Roman encyclopédique, qui se permet une relecture de l’histoire et une réinterprétation d’une certaine littérature de cette période, l’auteur délivre un texte foisonnant et grouillant d’idées, d’intrigues, de drôleries et de divertissements. Osant l’affrontement entre la colonie paradisiaque et une relecture historique dénonçant les escroqueries et l’opportunisme que fut le Maryland. Ebenezer Cooke n’est pas en reste, candide jeune homme vierge et plein d’idéaux, ses rencontres et ses aventures sont autant d’affrontement se jouant aussi bien dans sa tête que concrètement. A l’image de son titre de « Lauréat et Poète du Maryland », Ebenezer est l’image même de l’opportunisme que tout oppose à la méritocratie dicté par le consensus des « bons » penseurs américain.
Œuvre publiée une première fois par la maison d’éditions du Serpent à plumes, puis plus discrètement encore en poche en deux volumes (sic !). La maison d’éditions Cambourakis redonne sa chance à une œuvre d’une grande classe et d’un génie proche du Moby Dick de Melville ou encore du Mason & Dixon de Thomas Pynchon. Une densité folle, une démesure au service d’un récit qui interroge autant sur l’histoire d’une nation que sur ces origines littéraires. L’auteur en arrive même à questionner le lecteur sur l’importance de la narration et de l’écriture. A travers ces nombreux récits et textes découverts ou entendus par Ebenezer, l’auteur interroge la valeur narrative et la véracité du récit qui servent de terreaux à ce que nous appellerons plus tard l’Histoire.
Une pièce, pardon une œuvre unique et incroyable. Un monument – autant par la taille du livre, que par le contenu – traduit par une main de maitre, à savoir Claro. Le Courtier en tabac, n’est pas inaccessible, mais exigent, une aventure drôle mais surtout humaine à travers l’histoire et la littérature. Un Chef d’œuvre !
Cambourakis,
Trad Claro,
780 pages.
Ted.
Ah ah excellent! Tu me dira comment tu l’as trouvé!
On me l’a offert suite à ton conseil, j’ai hâte de le lire 🙂