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John Hawkes – Aventures dans le commerce des peaux en Alaska

Les souvenirs d’une femme, Sunny, avant son départ pour la France, une France fantasmée, idéalisée, un paradis sacralisé. Sunny parle de son père, auto-proclamé Oncle Jake, de sa mère Sissy, de leur voyage et leurs aventures en Alaska, de renards bleus, d’ours, d’aventuriers, de bordels, de pilotes d’avions chevronnés et d’un totem indien sur une île mystérieuse, totem indien à l’effigie d’Abraham Lincoln !
Mais c’est surtout le questionnement d’une fille sur la disparition soudaine et mystérieuse de son père vingt ans auparavant. Sunny ressasse toute son aventure en Alaska pour mieux comprendre ce qu’il lui est arrivé. Comment cet homme aux origines françaises, vivant confortablement a tout plaqué, luxe & volupté, a pris femme et enfant et est parti vivre dans cette région rude et hostile pour l’homme, cette région remplie d’aventuriers et de légendes. Comment cet homme va à son tour se révéler aventurier et peut-être même un des plus grands de sa génération. Bienvenu à Juneau en 1930, terre de toutes les croyances et terre où se réalisent toutes les légendes !

Ce roman a reçu le prix Médicis étranger lors de sa publication française. Empruntant autant au conte philosophique qu’au roman d’aventures, parsemé de rêves hallucinés – ayant un sens subtil, un potentiel message fort pour le personnage concerné et in extenso pour les lecteurs- « Aventures dans le commerce des peaux en Alaska » est d’une puissance redoutable et d’une finesse incroyable. Pourtant, tout comme le signale Philippe Jaenada dans sa drôle de préface, John Hawkes fait tout pour nous décourager de lire cette aventure, il fait même durer le voyage de Sissy, Sunny et l’Oncle Jake, pour que le lecteur ait bien le temps de refermer le livre et de passer à autre chose. Comme si, ce que s’apprêtait à découvrir le lecteur allait être plus grand qu’un simple divertissement littéraire. Et malgré cette mise en garde silencieuse, le lecteur se retrouve scotché et happé par le charisme d’Oncle Jake, la douceur de Sissy et l’innocence de Sunny. Un drôle de roman qui ose l’aventure.

Magnifiquement traduit par Michel Doury, publié dans la collection Signatures chez Points, cette œuvre fut une de ses histoires les plus marquantes, avec « Le cannibale », et Beetle leg. Très proche d’un T.S Eliot dans le style et l’écriture, aujourd’hui Hawkes fait figure de pape de la métafiction, d’auteur postmoderne novateur qui osa expérimenter tout au long de sa carrière. Osant mettre à mal la vision et les souvenirs d’un enfant sur son père à travers son regard adulte et désabusé, auscultant un univers aux frontières troubles et où la vraie vie après tout c’est l’Alaska, Hawkes signe ici un livre d’une ampleur comparable à Moby Dick de Melville. D’ailleurs l’Oncle Jake et le capitaine Achab se ressemblent énormément dans leurs obsessions.

« Où es-tu, Papa ?

Au nord. A l’ouest. Dans le Grand Nord ou toujours plus loins dans l’ouest. Où la mer est noire et les poissons morts. Où coulent les rivières et s’élèvent les montagnes. Où flottent le brouillard et où tombe la pluie. Où les oiseaux détournent leur volent, où le caribou boite et où le glouton est sur sa propre piste au bord de l’eau. Où le vente chante, où la bûche pourrit, où la mousse recouvre les glaciers. Où le soleil est froid, où l’ours blanc grimace sur son lit de glace emporté au fil des courants salés dans la nuit. Vers le nord qui est à moi, vers l’est qui est à moi. Vers les os, les dents, les pics, le silence du nord et de l’ouest qui sont à moi, Sunny, encore à moi.

En route vers l’ouest ! »

hawkes - AventuresPoints,
Signatures,
Trad. Michel Doury,
525 pages.

Ted.

À propos Ted

Fondateur, Chroniqueur

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