En 1945 sort aux Etats-Unis « Cannery Row », situant son histoire dans la ville côtière de Monterey, John Steinbeck s’intéresse à la communauté vivant dans cette rue, la fameuse « Rue de la Sardine » une fois la traduction faite pour l’édition française.
Monterey, est une ville côtière de l’ouest des États-Unis, ancienne capitale de l’état de Californie entre 1777 et 1849. De nos jours, Monterey est un lieu de vacances plutôt sympathique, un aquarium géant, et le lieu de tournage de la série Big Little Lie. Mais ce fut avant tout le principal port de pêche de Californie, et sa rue des conserveries de sardines et autres produits de la mer alimentait tout l’ouest des États-Unis jusque dans les années cinquante. Et c’est dans ce lieu que Steinbeck a décidé de placer son histoire.
« La rue de la Sardine, à Monterey en Californie, c’est un poème ; c’est du vacarme, de la puanteur, de la routine, c’est une certaine irisation de la lumière, une vibration particulière, c’est de la nostalgie, c’est du rêve. La Rue de la Sardine, c’est le chaos. Chaos de fer, d’étain, de rouille, de bouts de bois, de morceaux de pavés, de ronces, d’herbes folles, de boites au rebut, de restaurants, de mauvais lieux, d’épiceries bondées et de laboratoires. Ses habitants à dit quelqu’un : « ce sont des filles, des souteneurs, des joueurs de cartes et des enfants de putains » ; ce quelqu’un eût-il regardé par l’autre bout de la lorgnette, il eût pu dire : « ce sont des saints, des anges et des martyrs », et ce serait revenu au même. »
C’est l’histoire de Mack et sa bande, des hommes sans emplois, mais débrouillards, vivant à la douce et de petits boulots quand la nécessité l’exige. C’est l’histoire de Dora et de son bordel prospère. C’est l’histoire de Doc, un homme plutôt solitaire, cultivé, vivant de la vente d’animaux en tout genre pour la science. Mais c’est également l’histoire de Frankie, de Gay, de l’épicier Lee Chong ou encore de l’artiste local Henri. C’est l’histoire d’une rue, d’entraide et d’une fête mémorable.
La particularité de ce roman, tout comme Tortilla Flat du même auteur, tient dans le fait de la quasi absence d’histoire. Le récit consiste en un enchainement de scènes et de vignettes cherchant à mettre en avant et à capturer l’univers, l’ambiance et la vie de Cannery Row en 1945. Bien que les histoires de Mack, Doc, Lee Chong ou Dora servent de fil rouge entre les chapitres, elles ne sont finalement qu’un prétexte pour promener le lecteur dans la rue de la sardine. Et si la sympathie, la bonne humeur et la légèreté des personnages principaux nous rendent la visite agréable, certaines scènes avec d’autres protagonistes comme Franckie, les deux adolescents ou la virée de Doc, sont là pour contrebalancer, par la violence, avec la bulle que ce groupe s’est crée.
John Steinbeck, dans ce texte, cherche à coller au plus près de la réalité de l’époque, soulignant les ravages de la grande dépression mais aussi ce besoin de vivre avec cette seconde guerre mondiale qui se termine, ou encore l’inadaptation de certains face au monde en devenir, c’est une sorte de concentré de ce que les habitants de ce quartier pouvaient vivre et ressentir. Chaque personnage se veut l’écho d’hommes et de femmes qui cherchent leurs places dans la grande Amérique. Sous son apparente légèreté, Steinbeck se soucie de ces gens, ceux issus des classes les plus pauvres, en soulignant l’humanisme et la solidarité entre les personnages, et d’une manière maladroitement touchante, l’auteur veut montrer qu’il s’agit avant tout d’humain à part entière et non de simple rebus ou marginaux.
Pour la petite histoire, Doc est directement inspiré par un ami de John Steinbeck, un certain Ed Ricketts, un biologiste marin qui vivait à Monterey et avec qui il entreprit de nombreuses aventures, dont une fameuse en mer de Cortez.
Folio,
Trad. Magdeleine Paz,
215 pages,
Ted.