Les lampadaires abandonnés et incompris de l’exposition universelle de 1964, la vague de prohibition des flippers, les origines du célèbre cocktail Egg Cream et bien d’autres choses encore sont minutieusement détaillées par les mots et les dessins de Julia Wertz dans son dernier album paru aux éditions de L’Agrume: Les entrailles de New York.
D’origine californienne, l’autrice a vécu dix ans au milieu de cette ville grouillante au «rythme de vie frénétique et névrotique» pour qui elle a eu un énorme coup de cœur et dont elle a réalisé un très joli album hommage.
Loin des guides de voyages plan-plans et conventionnels et des faits divers entendus et répétés milles fois sur la Grosse Pomme, ce livre est une véritable pépite mêlant documentaire illustré et bande-dessinée qui nous amène en ballade à travers un New York plein de surprises.
Dans cet épais volume (288 pages), elle s’amuse à comparer la façade d’un même bâtiment ou le visage d’une même rue à travers les décennies, dessine le plan d’appartements typiques en coupe ou à plat, explique la vie de l’aventureuse journaliste Nellie Bly, le destin sombre de Madame Restell l’avorteuse de la 5ème avenue et revient sur les librairies indépendantes de New York dans un petit «guide partisan» délicieux. Les façades changent, les enseignes laissent place à d’autres, bref le rythme particulier de New York prend vie sous nos yeux d’une manière déambulatoire intime.
Les anecdotes souvent méconnues, aussi bien improbables que très sérieuses s’enchaînent au fil des pages, et l’on en apprend énormément sur la ville, ses quartiers et habitants, et surtout sur son évolution constante.
Julia Wertz est d’une extrême minutie, que ce soit dans ses dessins d’une précision folle que dans sa narration et ses recherches. Elle agrémente ses illustrations de photographies, rapportent les témoignages des habitants et des commerçants des endroits qu’elle croque. En la lisant, on ressent son attachement profond pour ce lieu qui l’a recueilli, sa passion pour l’histoire des éléments qui l’entourent et on peut clairement affirmer que l’on voyage et déambule à ses côtés à travers la seule lecture de cet album graphique. Avec beaucoup d’humour teinté de cynisme, elle nous fait part de ses coups de cœurs, des bâtiments qu’elle a aimé, des gens qu’elle a rencontré au fil de ses nombreuses promenades.
Les entrailles de New York est un livre unique en son genre, une sorte d’encyclopédie fouillis, instructive et décalée à la force narrative et au trait en noir et blanc qui illustre la ville en véhiculant un doux sentiment de nostalgie. D’une rare richesse, il permet de découvrir le travail souvent récompensé par la critique de Julia Wertz ainsi qu’une facette magique et dense de la célèbre ville. Un voyage littéraire atypique dont on ne peut pas sortir déçu.
Editions L’agrume
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Aude Pasquier
288 pages