Le dernier livre de la collection Le mot est faible des Éditions Anamosa est encore une fois d’une urgente utilité. Au plus près de l’actualité moribonde, Universalisme tente d’éclaircir un terme dévoyé par les intellectuel.le.s réactionnaires. Julien Suaudeau et Mame-Fatou Niang proposent un texte puissamment politique qui critique le pseudo-universalisme qui s’opposerait à la pensée décoloniale et intersectionnelle. Le mot universalisme est bien affaibli dans une époque qui préfère créer des maux venant soi-disant de celles et ceux qui cherchent à mener des réflexions ouvertes sur les oppressions systémiques de notre société.
Le ton qu’utilisent Julien Suaudeau et Mame-Fatou Niang est volontairement offensif. Le pseudo-universalisme est celui de la négation, du refus de comprendre la continuité de notre histoire coloniale et raciste. Selon les deux auteurices, l’universalisme tel que penser à l’origine ne peut qu’être « postcolonial, [et] qui doit œuvrer à une société post-raciste ». Les propos reportés dans Universalisme sont souvent ceux de personnalités politiques actuellement au gouvernement, et même à la tête de l’état français. C’est dire à quel point un texte démontrant l’ineptie du pseudo-universalisme est nécessaire, pour lutter contre le pire qui sévit actuellement.
Le pire, c’est de voir une émulation autour d’un soi-disant colloque. Dénommée le colloque de la honte par quelques-un-e.s, on y entendit des paroles contre des maux imaginaires et une construction de combats chimériques. Ce que veulent combattre ces gens-là est le développement d’une pensée honnête incluant de nouveaux outils pour la lutte contre les oppressions. Et on retrouve dans ce colloque un ministre de l’éducation nationale qui préfère s’y pavaner plutôt que s’appliquer à amoindrir la souffrance actuelle du corps enseignant. Le pseudo-universalisme a le vent en poupe. Il domine largement les consciences. Les rares personnalités, issues ou non du milieu universitaire, qui se chargent de démontrer son ineptie doivent être absolument entendu.
Ce pseudo-universalisme se base aussi sur une pensée enracinée dans le colonialisme. Ce qu’iels veulent, c’est universaliser, et Julien Suaudeau et Mame-Fatou Niang rappellent qu’il s’agit d’un verbe transitif « comme coloniser. Il établit un rapport de domination entre le sujet universalisant et l’objet sauvage à universaliser, coloniser, civiliser.».
Universalisme propose aussi quelques sorties de secours. Il s’agit de repenser notre société en refusant de nier le passé. C’est également en réfléchissant à nos villes, aux noms de nos rues et des arrêts de métros, que l’on pourra bâtir une société post colonial et post raciste. L’égalité, que brandissent les réactionnaires actuelles comme si elle était déjà présente, établie par la force d’une histoire qui va dans leur sens, n’aura jamais de réelle signification si nous n’écoutons pas le bruit que continue à faire la colonisation, l’esclavagisme et toute autre oppression systémique.
104p
Adrien
Bandeau : l’une des nombreuses illustrations qui démontrent la violence colonial qui persiste dans nos villes