Justine Niogret – Quand on eut mangé le dernier chien

Justine Niogret est définitivement à part. Autrice évoluant dans la fantaisie, et dans la littérature de genre, elle arrive à nous surprendre par ses incursions en terrain autre, et en audace stylistique. Qu’il s’agisse du somptueux « Mordred », ou de l’autobiographique « Syndrome du Varan », tout comme Mélanie Fazi ou encore Léo Henry, Justine Niogret a su imposer son nom et son style en dehors des cercles de la littérature SFFF pour s’inscrire comme une autrice, et ce qu’importe l’étiquette. Ici, nous faisons face à une faiseuse de mots et d’histoires, avant tout et surtout, qui livre après livre, déploie un talent et une constance indéniable.

Alors, en cette rentrée 2023, la sortie de « Quand on eut mangé le dernier chien », qui pose une histoire sans plus de contexte qu’une photo et un extrait du roman. La curiosité ne peut être que de mise et l’engouement certain.

Mais tout d’abord, un peu de contexte historique :

Entre 1911 et 1914, Douglas Mawson fut à la tête de l’expédition Aurora. Une expédition australienne ayant pour objectif de cartographier une partie inexplorée de l’Antarctique. Ayant déjà participé aux expéditions d’Ernest Shackleton, l’explorateur s’appuie sur ses compétences acquises et 38000 £ de dons privés pour mener à bien son projet.

Justine Niogret, avec son nouveau roman revient sur cette expédition. Plus particulièrement celle qui avait pour but d’atteindre la terre de Oates par Mawson, Ninnis et Mertz. Un périple long de 560 kilomètres pour les trois explorateurs et leurs chiens de traîneau. Mais après 480km l’expédition vire au drame et se transforme en une inexorable quête de survie dans l’enfer blanc.

Avec « Quand on eut mangé le dernier chien », l’autrice s’empare à son tour de cette thématique des explorations polaires. Sujet propice aux grands récits dramatiques. Un univers passionnant qui tout comme l’exploration spatial ou bien encore l’exploration maritime, apporte son lot de fantasmes et drames.

Mais toute l’intelligence de Justine Niogret s’impose dans ce dépouillement de tout artifice stylistique ou encore de contexte historique, pour se centrer avant tout et surtout sur les trois explorateurs et leurs chiens. Ainsi, l’autrice nous bascule dans une forme de huis-clos ou se joue avant tout la quête de survie, une quête à échelle humaine et qui souvent, en termes de visibilité ne dépasse rarement que quelques mètres de blanc, autour de nos protagonistes.

Bien entendu, il y a quelques passages où l’autrice prend un recul pour tenir compte du lieu, et permettre au lecteur de saisir l’immensité du lieu. Mais ce n’est pas le sujet de son livre. Ici, elle donne corps à la lutte perpétuelle contre la mort, elle incarne les différents stades de luttes et de souffrances, rend aussi grand que des montagnes certaines questions et nous plonge dans les abysses de certaines décisions et leurs conséquences.

Ce qui serait déjà pas mal en soit, mieux que certains récits s’étant emparé du même sujet. Mais l’autrice, par le biais de ce son récit veut avant tout nous parler d’humanité, de bienveillance et d’empathie.

Ainsi, « Quand on eut mangé le dernier chien », est un grand récit d’aventures et de survie intimiste. Qui dans un style dépouillé, s’impose, au côté des fusils de Vollmann (dans un registre différent) comme un récit qui renferme beaucoup plus qu’un simple récit d’exploration. Car c’est là où Justine Niogret a su nous offrir un grand récit, en s’emparant du sujet pour nous parler d’une thématique plus grandiose et puissante encore que l’exploration arctique.

Editions Au Diable Vauvert,
224 pages,
Ted.