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LA CLÔTURE DE L’AMOUR – Pascal Rambert

Ce fut pour moi, à l’époque jeune étudiante en école de théâtre, un des plus grands chocs littéraires de mon existence. Il y a Stan, un acteur; puis sa compagne, Audrey, actrice également.

Deux cœurs battants, qui s’affrontent dans un face-à-face, une joute verbale aussi jouissive qu’horrifiante. Ils se sont aimés, et maintenant; ils se détruisent l’un l’autre, tour à tour pour tenter de sauver leur peau. Deux monologues qui s’entrechoquent. L’un après l’autre, ils se répondent et s’écoutent pour la première fois peut-être et se disent enfin, chacun, leur vérité. On retient de ces deux êtres un amour entier, profond, mais où comme souvent à deux; on se construit sa propre légende, sa propre histoire où la plupart du temps on se donne à soi-même le rôle du martyr.

Avec un langage cru, tendre, incisif et puissant, d’une justesse implacable; Pascal Rambert, dramaturge et metteur en scène, nous offre une catharsis universelle et absolue de la fin de l’amour. Il a su distiller ce qui fait l’essence du déchirement des êtres et de la dislocation de l’amour pour nous étreindre dans une entente collective de ce qui est beau, aussi, en cela.

S’aimer, se juger, se regarder sans se voir, s’acheter, se donner, se dévouer, y croire, ne plus y croire, douter, penser à partir, ne plus savoir ce que l’on veut, ni qui on est ni qui on aime, ni pourquoi on a aimé celui que l’on aime plus ou que l’on croit ne plus aimer, l’as-t-on réellement aimé un jour, as-ton aimé plus que l’autre?…

Je disais l’amour de ma vie et je te regardais
je te regarde et je pense je ne te reconnais plus
ton corps je le connais
les attaches les os tout ça je connais
mais dessous il y a quoi
dessous sous l’enveloppe il y a quoi ?
une sorte de nouveau toi et moi qui n’a rien à voir rien à voir je suis désolé
tu vas dire avec ce que l’on était
oui avec ce que l’on était
ce qu’il y avait à l’intérieur de nous
oui cette chose que l’on chérissait

Tout ce qui constitue la rupture amoureuse et les questions qui nous traversent, cette pièce nous le dévoile, construite en deux parties égales: l’attaque de Stan puis la réponse d’Audrey, comme lorsqu’on dissèque une montre pour observer les mécanismes intérieurs.  Nous apprenons aussi à connaître les personnages, et leur histoire d’amour commune en écoutant, lisant, leur rupture.

Ce n’est pas une belle histoire, ce n’est pas non plus joyeux; mais elle est importante car elle nous propose une occasion unique de nous délester du poids de notre mémoire amoureuse. De nous dire que ces tragédies sont en même temps communes, et peut-être normales, voire même tristement banales. On se demande ce qu’il adviendra de chacun par la suite. Et on se dit que la fin d’une chose, en laissant échapper de son âme les cris de fureur, quand on part ainsi, permet aussi de commencer quelque chose de nouveau. Comme l’impression en fermant ce livre que “tout est dit” (premiers mots d’Audrey en réponse à Stan).

“La clôture de l’amour”, Pascal Rambert

Les solitaires Intempestifs, 2011

84 pages

À propos Johana

Johana BACRY est autrice, comédienne et metteuse en scène.

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