« Joe » est le récit de l’échec, la rencontre de deux âmes perdues qui ne peuvent rien l’une pour l’autre mais essayent de s’aider. Joe, alcoolique, conduisant un gros pickup, roulant vite et souvent bourré, en litige avec la police mais ayant le shérif comme ami, travaillant six mois par an et vivant dans une vieille maison en rondins avec son chien. Carvin, enfant de quinze ans, enfin il le pense, ne sachant ni lire ni écrire et rêvant de conduire, vivant dans une vieille maison en ruine avec sa petite sœur, sa mère et son père alcoolique, égoïste et voleur. Ces deux personnages qui ne devaient jamais se rencontrer vont tout de même finir par se connaître lorsque Carvin va se présenter à Joe pour un job saisonnier.
L’avantage avec les auteurs étiquetés « White Trash » c’est que l’on sait où l’on va. Pour ceux qui ne connaissent pas le genre et en trois mots ce sont souvent des auteurs du sud des U.S.A, fils spirituels de Faulkner et Steinbeck, généralement ils dépeignent la misère blanche américaine, des blancs aussi pauvres que les noirs du Mississipi, vivant dans des caravanes etc… oui comme la série Earl mais avec la sexy Catalina en moins, les chemises plus sales et usées et beaucoup plus d’alcool et de mauvaise foi. Donc je vous l’accorde c’est un style littéraire qui peu vite être ennuyeux, mais non !
Comme le dit si bien l’expression « les plus belles roses poussent dans la merde » ! Si si ! Ce genre littéraire est une niche d’auteurs talentueux tels qu’Harry Crews, Charles Bukowski, Russel Banks, Barry Graham, Daniel Woodrell pour les plus populaires. L’expérience du vécu aidant, ces auteurs savent de quoi ils parlent et apportent souvent des éléments autobiographiques.
Larry Brown, lui, est encore dans un autre registre, surtout quand de son vivant on a un certain Cormac McCarthy qui le pousse à écrire, cela présage un auteur de qualité. De qualité ? En fait non. Monstrueux car « Joe » est un roman qui a de quoi inquiéter « Le bruit et la fureur » de Faulkner et pulvériser « Des souris et des hommes » de Steinbeck. Il maitrise le style « White Trash », le pulvérise même, nous fait le coup d’un roman classique saupoudré de roman noir mais tout en nuance avec des personnages méticuleusement développés pour une histoire simple mais presque philosophique. Et là toute l’expression « les plus belles roses poussent dans la merde » prend un sens.
Alors peut être que vous allez vous dire ça y est on l’a perdu, il en fait trop, Larry Brown l’a payé pour sa chronique ! Et bien que nenni, déjà le bougre est malheureusement mort et ceux qui gèrent ses œuvres n’ont pas voulu me payer. J’aimerais pouvoir vous dire c’est le roman qui va vous foutre une grosse gifle, votre nouveau livre de chevet etc… Mais c’est faux, un roman résonne en nous de manière différente suivant son vécu et son ressenti. Dans tous les cas c’est très certainement un roman atypique et emblématique pour un auteur authentique et une curiosité qui vaut le coup d’être lu. Espérons que la future adaptation ciné lui rendra un brillant hommage.
367 pages
Éditions Gallmeister
Ted