Laure Gauthier propose dans Les corps caverneux une exploration, à travers un récit poétique en sept séquences, des creux où se nichent nos désirs et où le feu nous permet de tenir face au monde extérieur. D’une ballade dans Rodez à un flot exprimant le désir, la poète construit une approche de ce qui constitue nos vies. Elle apporte un regard inédit qui n’est ni scientifique ni romanesque. Les cavernes de nos corps sont à la fois des zones fragiles et fondatrices de nos résistances. C’est sur cette ligne de crête que navigue Laure Gauthier, entre le sensible et la force. Son écriture poétique n’est pas faite pour séduire, elle est là pour explorer, dénicher son sujet et l’étaler en mots.
Laure Gauthier compose avec ce thème inédit, qui semble avoir été saisi par l’écriture elle-même. Dans Les corps caverneux, elle cherche à raconter le corps comme attraction, anatomie qui reçoit autant qu’elle projette. Ce corps n’est pas figé dans une quelconque posture ou relégué à un lieu commun créé par notre société de consommation et patriarcale. Laure Gauthier cherche à tirer de cette exploration une complexité évidente : nos corps permettent autant de lutter que de pleurer. Le corps renonce autant qu’il avance, il hésite, puise son énergie dans ce qu’il entoure et avec les entrelacements possibles.
Dans Rodez blues, Laure Gauthier raconte son séjour dans cette ville. Elle tourne autour d’une figure à laquelle Rodez est associé : Antonin Artaud, celui dont le corps fut tellement essentiel, moteur de rythme et étau de la folie. La présence de ce poète, dès le début des Corps caverneux, n’est pas anodine. Quand on lit l’écriture de Laure Gauthier, on lit un rythme, une scansion. Mais ce n’est pas un flot continu, l’écriture ne coulent pas, il se fait en saccade, remous et interruption. L’écriture de Laure Gauthier est irrésistiblement associée au marteau que frappait Artaud pour scander sa poésie, et qu’il finissait par briser.
Les corps caverneux est un recueil riche de sens. Laure Gauthier y propose une poésie qui se fait tête chercheuse, en constant mouvement pour aller dénicher ce qu’il y a dans nos creux et les diverses symboliques que l’on peut y associer. Cette écriture-là est rare, car elle ne s’adosse pas à la norme littéraire. Elle s’inscrit totalement dans la particularité de la poésie contemporaine, que l’on pourrait définir comme marginale sans le caractère péjoratif du terme. Mais osons utiliser cette marge, dire qu’il s’y place une recherche inédite que Laure Gauthier et d’autres poètes encore tentent de délivrer de livres en livres.
136p
Adrien
Bandeau : unsplash / Luke Chui