Accueil » Fantasy/SF » L’autre ville – Michal Ajvaz

L’autre ville – Michal Ajvaz

« Est-il possible qu’il existe, tout près de nous, un monde qui déborde d’une vie étrange, un monde qui était là avant notre ville et dont nous ignorons tout ? »

Êtes-vous déjà entrés dans un livre ? Ou plutôt avez-vous déjà remarqué lorsque les livres entrent dans notre monde ? Le narrateur de ce grand roman va en faire l’expérience.
Au détour des rayonnages d’un bouquiniste de Prague, notre héros va découvrir une tranche violette plutôt attirante. Sortant le livre de son étagère, il remarque qu’il n’est pas écrit en tchèque. Il n’est même écrit dans aucune langue existante, ses pages recouvertes d’un alphabet fait de boucles et de traits sans aucune signification connue. Intrigué et attiré, il emporte le volume chez lui, et celui-ci, débordant et contaminant les autres livres, va lui ouvrir les portes d’une nouvelle Prague, d’un nouveau monde, caché dans les recoins et les confins du nôtre. Peuplé de personnes qui changent de rôle entre le jour et la nuit, emplis de monstres mystérieux, de raies volantes et de dieux blessés, de cérémonies obscures, cet univers prend vie tandis que le nôtre s’endort, se glissant au coin de notre œil, vibrant sans nous éveiller.
Bientôt obsédé, notre narrateur va partir à la découverte de cette autre ville, cherchant les indices les plus subtils, rencontrant ses habitants et bravant des dangers plus incroyables et fous les uns que les autres, afin de percer son mystère et de comprendre, sans doute plus qu’il ne l’avait imaginé.

« […] Ma vie a perdu toute cohérence, elle est devenue un agrégat de fragments aléatoires, et ces éclats brisés aux bords coupants, qui pointent dans tous les sens, se plantent sans arrêt dans ma peau ; chaque seconde est un nouveau début sans rien pour le soutenir et par lequel un monde inconnu, auquel je ne suis absolument pas préparé, se précipite sur moi de l’obscurité ; bref, je ne vois pas comment je pourrais oublié le centre perdu alors que toute mes plaies en appellent à une unité qui émane de lui. »

C’est à un voyage initiatique grandiose et passionnant que nous entraîne Michal Ajvaz. Alors que l’on progresse dans la lecture et que nous accompagnons, toujours plus loin le narrateur dans son exploration, nous voyons, nous aussi, les lettres de notre livre s’échapper, se mêler les unes aux autres et laisser apparaître devant nous, tout autour, sur nos murs, nos sols et nos plafonds un nouveau paysage qui nous ouvre les portes de ce monde caché qui évolue à notre insu, trop fermés que nous sommes, trop terrifiés par l’inconnu et les frontières pour oser ne serait-ce que les regarder.
Surréalisme, magie, poésie, tout dans ce livre est fait pour nous perdre et nous enchanter. D’une lecture déstabilisante et pourtant envoûtante, chaque chapitre a son lot de folie et de beauté, révélant au fil de la lecture, et au même rythme que le vit le narrateur, le sens caché et l’intelligence de ce récit. L’autre ville est une ode sublime à l’altérité, à la découverte, à l’aventure et à l’ouverture au monde, le tout en nous entraînant dans une fantasmagorie de mots et d’histoires proches parfois de l’absurde et créant une ville, la réelle comme la dissimulée, complètement onirique et séduisante. Personnage principal du texte, Prague(s) se révèle à nous depuis ses confins souterrains jusqu’au toit des cathédrales, et au-delà d’elle, au-delà de ce monde mystérieux c’est une invitation au voyage et à l’inconnu.

« Quelle misère qu’on nous impose sempiternellement le salut, la patrie, et qu’on veuille nous priver des chatoyantes contrées étrangères où une lumière froide et somptueuse émane en silence de toutes choses libérées, de la joie que procure la solitude sur des grandes plaines, la nuit, au-dessus des villes étincelantes, de la danse lent et magnifique des monstres sur des routes désertes, de l’enivrante disparition au plus profond de chambres obscures, sous des miroirs glacés où tremblote la lumière de lampes lointaines comme la constellation douloureuse d’un zodiaque qui traverserait l’intérieur des maisons. »

Magique, majestueux, L’autre ville est un voyage littéraire au long cours dont on voudrait qu’il ne cesse jamais,

L'autre ville220 pages
Traduit du tchèque par Benoît Meunier
Mirobole éditions

Marcelline

À propos Marcelline

Chroniqueuse/Co-Fondatrice

Vous aimerez aussi

MARCO LODOLI

Marco Lodoli – Si peu

Rentrée littéraire : Et jamais leurs yeux ne se rencontrèrent… «Et moi j’ai toujours été au …

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Powered by keepvid themefull earn money