Liv Strömquist poursuit son analyse pertinente et douce-amère de notre société, avec son dernier roman graphique en date : Dans le palais des miroirs.
Cette fois-ci, elle s’attaque à la perception de notre apparence, en particulier chez les femmes. Car aujourd’hui plus que jamais, l’image est omniprésente : on filme les corps et les visages sous tous les angles, on les placarde sur d’énormes panneaux publicitaires et on les mitraille de photo, armé·es de nos smartphones.
Peau lisse et sans pore visible, courbes toniques et pulpeuses… Taille de guêpe, cheveux descendants jusqu’aux chevilles… Certains critères de beauté changent selon les époques, tandis que d’autres perdurent.
En s’appuyant notamment sur l’exemple très contemporain de Kylie Jenner et celui beaucoup plus ancien (mais tout aussi parlant) de l’impératrice Sisi, l’autrice décortique le rapport que l’on tisse avec soi-même, alourdi par le poids du regard d’autrui. On remarque alors l’apparition d’une beauté standardisée, véhiculée à une échelle mondiale par les réseaux sociaux et entretenue par le capitalisme et la surconsommation.
Comme à son habitude, Liv Strömquist puise dans les essais, les mythes bibliques, la philosophie, mais également la pop culture, les contes ou encore l’Histoire. Elle illustre de son trait naïf et spontané un nouveau recueil brillant de vulgarisation sociologique, dont la lecture fascine tout autant qu’elle révolte. Dans le palais des miroirs est donc un assemblage de différent·es récits et pistes de réflexion, qui se répondent et s’enchevêtrent. C’est ainsi que la théorie du désir mimétique (de René Girard) croise les écrits de Saint Paul, ou que les photos de Marylin Monroe dialogue avec celles de Kim Kardashian.
Au milieu de toutes ces anecdotes traitées avec un humour grinçant se glissent cinq témoignages de femmes ayant entre 53 et 72 ans. Représentées sous les traits de reines puissantes, elles nous parlent frontalement de leur rapport à leur physique, de son évolution au fil des années. Or, dans notre inconscient collectif, sex appeal et jeunesse vont souvent de pair pour ce qui est de la gent féminine, malgré leur fatale éphémérité. L’invisibilité de ces personnes « mûres » et vieillissantes vient appuyer la complexité de ce culte obsessionnel et ritualisé autour de la beauté, qui nous attire autant qu’il ne nous frustre… immanquablement.
Dans le palais des miroirs est une étude vive et pédagogue sur la relation paradoxale qu’entretien toute personne avec son image : toujours à se comparer, à être en proie à un désir insatiable dont les contours trop flous pour être définis… À tel point qu’elle en devient souvent prisonnière. Mais nous avons les clés pour déconstruire ces préjugés et briser peu à peu ces carcans, aux côtés de Liv Strömquist !
éditions Rackham
Collection Le signe noir
Tradduit du suédois par Sophie Jouffreau
168 pages
Caroline