Dessinateur génial de bande-dessinée, illustrateur reconnu, Ludovic Debeurme publie son premier roman, Ocean Park, chez Alma Editeur en 2014. Un roman sans images, une image en mots. Debeurme raconte une famille, ou plutôt les dessous d’une non-famille. Au travers des voix/voies des deux frères, l’un psychotique, l’autre névrosé, va se dérouler le fil d’un voyage. D’abord à la recherche du frère-vagabond des forêts, le frère oiseau; puis vers un point d’arrivée, ou de départ, l’île où vivent reclus leurs parents.
“Aujourd’hui encore, il est le fils des bois. Tandis que moi…tandis que moi, je me suis perdu dans la ville… La nuit…”
Dès le début du livre, on entre dans un univers clos, souffreteux, qui sera bouleversé, ou plutôt réveillé, par l’annonce de la maladie de la mère oubliée. Chacun se protège à sa façon du monde extérieur et des relations humaines. Les parents en exil sur une île/prison sensorielle. Les frères, l’un par l’abondance sexuelle, l’autre grâce à un tente igloo, cocon sensitif argenté. Chacun avance, l’un pour reculer, l’autre pour s’envoler. Tour à tour, chaque frère raconte une partie de son voyage, qu’il soit fantastique ou familial, rêvé ou vécu. Deux visions d’un même monde ?
“Mais je suis un arbre-oiseau échoué sur un îlot flottant. “
Loin de l’univers de la bande-dessinée ? Oui et non. Si le livre est formellement littéraire, on ne peut échapper aux images, au monde onirique et terriblement cru que nous dévoile Debeurme. Tout au long du récit, on vogue en eaux troubles, jamais certain de la rive que l’on va atteindre, ou qui échappe peut-être d’ailleurs. Lancinant et déroutant, Ocean Park est une porte entrouverte sur un univers poétique et désabusé, une réflexion sur l’absurdité de nos prothèses affectives.
Alma éditions,
211 pages,
Aurore.