Alors qu’il se prenait enfin quelques vacances, en ayant soin de laisser sa chèvre vagabonder dans de verts pâturages bordés par une ruisselante rivière, notre narrateur s’en revient chez lui pour découvrir qu’affamée, sa chère bête à cornes s’est dévoré les pattes (après d’autres dégâts collatéraux). Et cet autre homme, qui se rend compte, surpris et intrigué, que rien ne vient entamer sa peau. On peut aussi parler de la légende qui vient expliquer le nom de ce village gallois de Beddgellert ou de cette amie qui est sortie quelque temps avec l’ange de la Mort. À moins qu’on ne discute d’éventuelles vacances en Enfer…
On pourrait parler de nouvelles devant ce recueil de courts textes d’Alex Burrett. On s’y jette plutôt comme dans une discussion, quelques racontars glanés lors d’une soirée, complètement fous et absolument fascinants. L’ex-femme de Dieu fait de la confiture de quetsches et les rats préparent leur future domination du monde. Quoi de plus normal après tout !
C’est là tout le talent d’Alex Burrett : cette capacité à aborder d’un ton presque badin des histoires toutes plus étranges, dérangeantes pour certaines et en tout cas surprenantes, comme s’il nous les confiait à la terrasse d’un café au début du printemps ! Et que dire de ces histoires justement. On ne tourne pas autour du pot, le ton est donné rapidement, les histoires sont plutôt courtes. Ce côté conversation amène une écriture sans fioritures qui nous immerge complètement dans la narration, et si chaque nouveau texte commence fort, la suite va crescendo, et toute l’étrangeté, la bizarrerie des histoires (et certaines sont vraiment perturbantes, vous vous ferez votre avis sur cet abattoir de viande humaine, sur la chèvre éponyme ou encore sur cet homme dont le choix de refuser un dessert à base de crème anglaise par galanterie va bouleverser sa vie) nous saisit, sans pour autant que l’on soit capable de lâcher le texte grâce à cette narration légère et orale.
Tout devient possible dans le monde de Burrett, la morale n’existe plus, l’improbable domine, et l’on y croise aussi quelques râleurs ou d’audacieux mais perdus innovateurs (la journée décimale en question, ou encore ces faux écrivains qui écrivent sur des écrivains. Inacceptable !).
Burlesque, décalé, complètement britannique, Alex Burrett nous propose un recueil que ne renieraient pas les Monty Python, tant il est capable, en partant d’hypothèses complètement impropables, de nous mener par le bout du nez dans des directions inattendues tout en analysant le fonctionnement de notre société. Contes immoraux contés comme des histoires banales, Alex Burret vient perturber notre quotidien avec ses histoires fantasques, et ce pour noter plus grand plaisir !
C’est depuis quelques jours l’année de la chèvre en Chine. On lui souhaite donc une très belle année, à la chèvre de Burret !
Aux Forges de Vulcain
Traduit de l’anglais par Patricia Barbe-Girault
315 pages
Marcelline