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Mailman – J.Robert Lennon

CV_MailmanAlbert Lippincott, alias Mailman, est facteur. Un facteur très consciencieux et investi, qui œuvre dans la petite bourgade de Nestor, dans l’état de New-York. Divorcé, en fin de cinquantaine, il mène une petite vie somme toute ordinaire, au rythme de ses tournées. Mais Mailman a ses petites habitudes, son jardin secret, et sa conscience professionnelle le pousse à ouvrir et lire le courrier de certains de ses concitoyens. Il est devenu maître dans l’art de décoller et recoller une enveloppe, faire de faux tampons, et conserve dans de précieux dossiers la correspondance intime et banale de la ville.
Seulement il suffit d’une belle enveloppe décorée main pour que tout vacille. Une lettre qui met peut-être un peu trop de temps à rejoindre son destinataire, un destinataire complètement dépressif qui choisit ce moment pour se suicider. Le doute commence à assaillir Mailman, d’autant plus que la voisine bizarre du jeune cadavre a tendance à le regarder de travers… Saurait-elle quelque chose? Pourquoi d’un coup tout semble chavirer? C’est sans compter avec cette putain de douleur dans les côtes, là où il s’est cogné deux jours plus tôt.
Le stress, la culpabilité et l’impression d’avoir les inspecteurs des postes planqués dans son ombre, n’attendant qu’un signe pour lui sauter dessus, vont amener Mailman à se plonger dans une grande introspection. Sa vie d’étudiant plutôt brillant qui se termine en séjour en hôpital psychiatrique (où il rencontrera Lénore l’infirmière, qui deviendra sa femme); sa famille de frappa-dingue entre une mère chanteuse de cabaret ratée, un père savant fou et une soeur actrice avec laquelle il entretient une relation plus qu’étrange; son engagement dans les Peace Corps sur un coup de tête, qui l’emmènera au fin fond du Kazakhstan; il va revivre ces moments, au gré des mésaventures de son présent, et découvre qu’il a vécu jusqu’à présent selon une image fausse qu’il se faisait de lui-même, et se perd de plus en plus.

Voyage initiatique inversé, Mailman nous mène dans le quotidien d’un homme au moins aussi névrosé que la société dans laquelle il vit. J. Robert Lennon écrit bien, et raconte encore mieux. On se laisse prendre dans cette histoire dont on ne sait trop où elle peut bien nous mener, et doucement on se prend d’affection pour ce facteur quand même un peu bizarre, mais touchant, perdu et acerbe, qui part à la recherche de lui-même au moment où tout lui tombe sur le râble. Chaque nouvelle aventure est une surprise pour le lecteur, qui découvre un personnage beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît (mention spéciale au voyage au Kazakhstan, qui reste l’un de mes passages préférés), et se prend l’envie d’aider Albert, de l’accompagner, tant ce petit homme semble plein de ressource et de surprises malgré la tripotée de casseroles qu’il se traîne. Et c’est grâce au talent de J. Robert Lennon, à coup d’humour, de petites phrases et de grands moments, que nous nous attachons à Mailman, alors que nous pourrions si facilement le détester, ce facteur louche, maniaque, un peu looser, qui ne sait plus trop par quel bout prendre sa vie, ni même si elle en a jamais eu un.

«  D’un autre côté, on ne peut pas avancer dans la vie si l’on garde les yeux rivés sur le rétroviseur, n’est-ce pas, on risque de se prendre un poteau, ou, pire encore, un piéton, ou même un piéton avec une poussette et en un éclair on devient meurtrier d’enfant, tout ça à cause du réconfort fugace qu’apportent parfois les souvenirs du passé »

Un formidable roman, drôle, dur, étrange et intrigant, pour commencer l’année avec du grand plaisir littéraire dans les yeux et dans la tête.

672 pages
Monsieur Toussaint Louverture
Sortie le 20 Février!
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Marcelline

À propos Marcelline

Chroniqueuse/Co-Fondatrice

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