Aujourd’hui, j’ai décidé de vous faire un cadeau en vous parlant de la génialissime série Julius Corentin Acquefacques Prisonnier des Rêves, composée actuellement de 6 tomes plus bluffants les uns que les autres.
Si, si, je vous assure, c’est un beau cadeau. Cadeau que l’on m’a par ailleurs offert en me faisant découvrir cette bande-dessinée inclassable, pour laquelle il faudrait d’ailleurs créer un style “à lire absolument, sous peine de sévère sentences”.
Pour faire bref, Julius Corentin Acquefacques est un éternel rêveur. Et comment pourrait t’on l’en blâmer lorsque l’on voit le monde dans lequel il vit? Citoyen d’une Terre futuriste et surpeuplée dans laquelle l’individu est réduit à presque rien au milieu du flot continu de la foule, il vit dans un appartement riquiqui donnant des airs de palaces aux chambres de bonnes. Travailleur assidu et fonctionnaire au ministère de l’humour où ce n’est pas vraiment l’éclate, il est malgré lui différent. Car il est toujours témoin d’une anomalie qui l’entraîne dans des aventures rocambolesques.
Cela pourrait s’arrêter là, au stade de petites irrégularités qui font vaciller la monotonie accablante quotidienne, mais là où Marc-Antoine Mathieu dévoile son talent, c’est qu’il se sert du support livre comme d’une scène modulable; fond et forme vivent en symbiose et le lecteur voit la bande-dessinée prendre littéralement vie. Les cases sont coupées, la lecture se fait dans les deux sens, se rejoignant au milieu de l’album, les lignes d’horizons se meuvent, faisant disparaitre les points de fuite, les ellipses temporelles se succèdent et se complètent, bref, les règles sont chamboulées de manière fines et ludiques à la fois. Le protagoniste semble sortir des cases, prend conscience de sa qualité de personnage fictif et tente de prendre en main son destin. Enfanté par la plume, il remet en question sa condition et le non-sens de sa vie.
De plus, le travail syntaxique est à tomber, l’auteur maitrisant à la perfection jeux-de-mots, calembours, et autres envolées lyriques.
Et que dire du travail d’aplats tout en noir et blanc, créant des jeux de lumières incroyablement pregnants où l’on est comme aspiré! L’ambiance si spéciale aux aventures de Julius Corentin Acquefacques est sensiblement remarquable et envoutante aussi bien au niveau du dessin que du scénario et de la mise en page. Ce monde d’encre est absurde, onirique et légèrement angoissant… un peu comme l’univers de Kafka. Si l’on se penche un tant soit peu sur le nom étrange du protagoniste principal, on remarque qu’il s’agit de l’envers phonétique de l’auteur pragois. Tout est finement pensé dans ces méandres de nuit et de papier, et M.A Mathieu crée lui-même des failles et autres incartades qu’il utilise pour faire avancer son histoire et développer son macrocosme.
C’est alambiqué à souhait, mais la lecture reste si plaisante qu’à aucun moment on ne se prend le melon à décortiquer le pourquoi du comment, et l’on est absorbé par le plaisir de revenir en arrière pour comprendre toute la logique de l’auteur.
Ce cadeau que je vous fait, c’est une sorte de passation de flambeau phylactèriel. Car cette série graphique est un présent parfait à offrir et à faire découvrir aux gens réfractaires au 9ème art, un merveilleux premier pas dans ce monde magique qu’est la bande-dessinée. Réunissant la maitrise de la prose intelligente, du suspens et de l’art dans un nouveau monde dépaysant, Julius Corentin Acquefacques est une BD de rêves, un Graal littéraire inclassable en son genre et, il faut l’avouer, un précieux objet hors du commun.
Editions Delcourt
6 tomes
Caroline