« Est-ce que je reverrai un jour Zuka et Giorgio ? La guerre nous a brusquement séparés. Depuis la fermeture du Magic Théatre et l’engagement de Giorgio dans l’insurrection armée, je me demandais ce que j’allais devenir. »
Une aventure poétique, tout en finesse mais acerbe, un récit d’aventure qui pousse le protagoniste dans sa quête du soi. Un texte court mais puissant qui ose la différence et la nuance, là où l’on s’attend à un enchainement d’action et de réaction. Le Colt 45 comme symbole de la dominance masculine dans l’univers de Lora Sander, qui lui jouera des tours et la poussera, lors de leur séparation, à se réaliser en tant que femme et en tant que personne, provocant un final aussi surprenant que lumineux.
L’Azirie est en rébellion, la dictature mise en place pousse Giorgio à partir en guerre, Zuka à abandonner son théâtre et finalement Lora à faire de même en tentant la traversée pour le pays voisin, Zantarie. Ce voyage aussi bien sur le plan physique, que mental, va pousser Lora dans ses derniers retranchements et révéler un personnage plus complexe et moins naïf qu’il n’y parait.
« Lora se trouve avec son sac devant le panneau où est écrit : « Santaré ». Sa robe est froissée et elle a triste mine. Elle est en train de se recoiffer et de se mettre du rouge à lèvres. Au loin on entend le bruit du camion qui s’éloigne. »
Démarrons cette rentrée 2016 avec un récit d’aventure court et poétique, emprunt d’une certaine sensibilité et d’une touche de désinvolture. Alternant des passages très cinématographiques, qui auraient presque pu être empruntés à des films de Sam Peckinpah – la scène avec le chauffeur routier, par exemple – avec d’autre plus rythmés et poétiques, osant même par moment la rime afin d’offrir des scènes d’une grande beauté – le camion à pizza, l’effeuillage et l’accordéon – l’auteure dans son apparente simplicité d’écriture ballade le lecteur dans un comte aussi atypique que redoutable, aussi beau que dérangeant. Une fausse simplicité qui démontre surtout une très grande maitrise.
Marie Redonnet est en marge de la plupart des auteurs actuels. Après un long silence ( Diego, 2005) , La femme au Colt 45 est un retour aussi beau que percutant. Quoi de mieux qu’un personnage aussi atypique et passionnant que Lora Sanders pour annoncer le retour d’un grand écrivain.
Le Tripode,
128 pages,
Ted.