Marion Vernoux “sauve les meubles” dans son premier roman autobiographique Mobile Home. A l’approche de la cinquantaine, cette réalisatrice et scénariste au chômage voit sa carrière comme son mariage se déliter. Elle a perdu ses deux parents et pour “combattre l’angoisse, combler le vide vertigineux” qui l’assaille, elle se réapproprie sa vie à travers l’histoire de ses meubles, témoins discrets des différentes périodes de sa vie mouvementée.
J’envisage de faire un masque exfoliant. Dommage, cela n’atteint que les couches supérieures de l’épiderme. Comment désincruster la paresse, combattre l’angoisse, combler le vide vertigineux, se donner des airs de femme active alors que, regardons les choses en face : Moi, Marion V., quarante-neuf ans, femme au foyer, intermittente, chômeuse.
L’écriture est incisive, épurée, les phrases capturent comme des instantanés les drame familiaux comme les petits bonheurs qui ont ponctué la vie de Marion Vernoux. Il y a, par exemple, le Patchwork, cousu par la maman, dans lequel la petite fille s’enroule pour se protéger de la solitude, abandonnée par des parents passionnés par leurs vies professionnelles et qu’elle léguera à ses propres enfants. Elle revoit alors sa mère, dans son atelier, passant du monde du cinéma pour celui de la couture, cousant ses patchwork, toujours une clope au bec, tabac responsable du cancer qui l’emportera trop tôt. L’objet est un prétexte pour raconter les liens qui unissent ou désunissent comme il métaphorise aussi les manques de l’histoire, le travail d’assemblage de ces petits bouts de vie :
Un bout du patchwork est manquant. Il est possible qu’un chagrin d’amour soit à l’origine de sa reconversion.
Le patchwork devient plus complexe avec le bureau qui est l’occasion pour l’auteure de raconter l’Histoire de sa famille juive sauvée par une assistante sociale pendant la seconde guerre mondiale. Puis il y a des lieux plus intimes, comme le lit en fer forgé qui garde la trace de chaque amant, la table, lieux des échanges familiaux par excellence ou encore le canapé, mesure de la distance entre les êtres. Chaque chapitre est accompagné d’une photographie en annexe qui permet au lecteur, à la lectrice de participer à ce recensement de l’intime, avec cette distance qui procure curiosité et embarras, comme lorsque l’on regarde l’inventaire de meubles aux enchères.
A côté de ces récits décousus, à l’image d’une vie en lambeaux, il y a les listes maniaques, numérotées de faits, de films qui emprisonnent le réel comme pour mieux le contrôler :
J’ai commencé à écrire ce texte pendant les vacances de Pâques, dans ma maison de campagne en Bourgogne, à Corsaint. Mon intention était de – liste n° 1 :
– tromper l’attente ;
– raison garder ;
– solder mes deuils, ma séparation, mes addictions, mes névroses familiales, le flop de mon dernier film ;
– conjurer l’arrivée de la cinquantaine, de la ménopause, du cancer et de la mort.
Mobile Home est sans nul doute une autobiographie unique en son genre, faisant de la vie de Marion Vernoux un scénario captivant avant son prochain film, Bonhomme qui sort en 2018.
Sonia
Mobile Home, Marion Vernoux, éditions de l’Olivier, septembre 2017, 245 p.
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Un livre exceptionnel admirablement écrit par l’auteur et admirablement décrit par Sonia.