Enfin le retour de Mark SaFranko, après quatre romans publiés chez 13e note (Putain D’Olivia, 2009 ; Confessions d’un loser, 2010 ; Dieu bénisse l’Amérique, 2011 & Travaux forcés en 2013) ainsi qu’une pièce de théâtre publiée chez E-Fractions (Minable, 2013), nous étions assez craintifs quant à l’avenir de cet auteur dans notre hexagone. Et pour cause, 13e note qui ne voulait pas publier ses autres romans et nouvelles qui n’étaient pas estampillés Max Zajack, puis la cessation d’activité de 13e note éditions dans la foulée ça sentait la séparation forcée entre Mark SaFranko et la France.
Mais tout ceci était sans compter sur la maison d’éditions La Dragonne et un ami de Mark SaFranko, qui attira son attention sur le mail de La Dragonne. Donc alléluia le dirty realism Made in SaFranko est enfin de retour et en format court !
Car, s’il est besoin d’en parler encore une fois, le format nouvelle est un art à part entière, avec ses auteurs fétiches (Raymond Carver, Charles Bukowski, etc…), un format populaire aux Etats-Unis et qui a un peu plus de mal à percer en France, mais compte tout de même bon nombre d’aficionados du genre ! Mark SaFranko aime les nouvelles, et il aime tellement ça qu’il en a écrit un petit lot… environ cent cinquante, donc il y a de la matière …
Incident sur la 10e Avenue est son premier recueil traduit en France. Reprenant pour titre une nouvelle revue et corrigée qui avait déjà été publiée en 2015 dans la revue Le Cafard Hérétique, vous trouverez neuf nouvelles de l’auteur totalement inédites ainsi qu’une dixième qui n’est autre que celle mentionnée plus haut. C’est avec un certain plaisir que le lecteur part retrouver Max Zajack dans ses (més-) aventures, avec toute la verve du personnage et sa malchance notoire qui fait que l’on aime le voir souffrir. Mais c’est aussi l’occasion pour nous de découvrir Mark SaFranko dans d’autres registres. Tour à tour plus sombre ou plus touchant, par moment même lumineux.
Dans une écriture toujours aussi fluide et directe, qui privilégie le dialogue et l’action, une écriture qui part du cœur et qui prend souvent aux tripes. On retrouve cette fulgurance que l’on connaissait déjà chez des auteurs tels que Bukowski, Miller, Fante (père & fils), le middle-class américain n’aura jamais eu autant de classe que sous la plume de Mark SaFranko.
« Je venais d’apprendre que mon éditeur américain m’avait lâché. L’excuse – la plus banale qui soit par les temps qui courent – étant que les ventes étaient insuffisantes. La faillite d’une énorme chaine de librairies avait aggravé mon cas du fait qu’ils étaient les plus gros acheteurs de mon dernier roman, que jusque-là on ne trouvait qu’en Europe. »
Deux nouvelles sont vraiment hors du lot, « Le Grand Cerf » et « Parmi les morts », qui montrent un auteur sous un nouveau jour et l’enchainement des deux nouvelles offre un contraste saisissant de l’univers de l’auteur. Souhaitons que ce recueil renouera durablement les liens entre le lectorat français et Mark SaFranko.
La Dragonne,
Trad. Annie Brun,
152 pages,
Ted.