Mark Z. Danielewski avait marqué les esprits avec sa « Maison des feuilles ». Ce texte/roman/témoignage/collage total, un objet littéraire unique, dense et faussement brouillon, offrant une expérience littéraire inédite et dense. Interrogeant autant que faisant vivre, l’auteur arrivait à plonger son lecteur au-delà de la simple expérience de lecture. Il suffit de voir l’admiration que portent certains pour cette oeuvre, et le classe bien aisément en objet plus qu’en livre, pour s’en rendre compte.
Mais Mark Z. Danielewski est talentueux et d’une créativité protéiforme, et surtout il n’est pas l’auteur d’un seul texte. Nous pouvons mentionner « O révolutions » ou le recueil « Les lettre de Pelafina » traduit en français et également disponible chez Denoël, ou encore sa série « The familiar », comportant actuellement cinq tomes inédits en France.
Mais nous parlerons d’un autre texte, d’une novella, ou plutôt d’un texte illustré, de principe d’oralité, de la puissance des mots et de l’imagination. Ici nous parlerons du trop injustement méconnu et pourtant indispensable « L’épée des cinquante ans ».
Prenant place dans « une soirée d’octobre dans l’East Texas. MD. » Le lecteur s’apprête à découvrir une étrange histoire, une histoire de fantôme et d’épée, de boite renfermant un secret, d’enfants tout ouïe devant un mystérieux conteur. Le temps ne compte pas, la forme non plus et l’espace est relatif. Ici, l’histoire est racontée par cinq voix, cinq interviews compilées et présentées avec des guillemets de cinq couleurs différentes. Mais c’est aussi un conte illustré par des broderies parcourant librement les pages. Des broderies qui dansent, virevoltent, illustrent ou décrivent, contribuent à l’ambiance et se déchirent. Le texte ne devient, dès lors, plus que fonction, l’objet n’étant plus ce qu’il devrait être, et ainsi le lecteur se retrouve à questionner l’objet et l’explorer pour le décrypter et trouver ce qu’il cherche.
L’œuvre, par le principe des interviews et des guillemets réussi à retranscrire le grand principe du conte oral, à ceci prêt que ce conte se veut être brouhaha et choral; Les voix se mélangent, paraissent décousus, et pourtant… Pour découvrir l’histoire, et ce qu’il en retourne, il faut accepter de ne rien comprendre dans un premier temps afin que l’essence même du livre se révèle à vous et vous transporte au-delà de tout attente.
Puis les broderies, comme dit plus haut, raconte une histoire, tantôt discrètement, tantôt de manière directe et explicite, elles offrent une sixième voix à ce conte, une autre version qui viendrait corroborer par un autre biais les interviews des cinq autres.
« L’épée des cinquante ans » est un objet unique, un livre qui transcende le livre pour devenir un objet unique, un conte décomplexé de sa forme et du cadre taillant dans les pages pour devenir la narration ultime. Car ici, il est question de narration et de transmission, et Au-delà de la promesse du conteur devant les cinq enfants, Danielewski propose sa version de la narration en imposant ses propres codes.
L’épée des cinquante ans est un grand texte/objet qui a énormément à offrir du moment où, en tant que lecteur, nous acceptons de nous laisser guider à l’aveugle. Ne vous attendez pas à un texte classique, même ne vous attendez à rien, Prenez le, ouvrez le, parcourez le. Laissez-le vous imprégner et puis retournez-y jusqu’à totalement rentrer dans ce qu’il a à offrir.
Mark Z. Danielewski avec la participation de l’atelier Z pour les broderies, et grâce à l’exceptionnelle traduction d’Héloïse Esquié, redéfini les codes du conte, les codes de ce qu’est être un texte et un livre. Il ne révolutionnera pas la manière d’écrire et de mettre en page, aucune prétention de ce genre, mais l’édifice que cet objet-livre représente dépasse le simple cadre du livre et apporte un immense vent de fraîcheur et un bien curieux regard sur le rôle de l’objet, nous montrant à quel point nous aimons les livres et ce qu’ils gardent.
Les éditions Denoël,
Trad. Héloïse Esquié,
290 pages,
Ted.
L’un des plus grand talents littéraire qui secoue, ouvre des portes, crée des horizons alors oui, ça peut être désarçonnant mais c’est d’un talent hors norme et pas un éditeur en France pour nous offrir “The Familiar”…. La littérature pleure