Enfin !
Max Porter nous avait percuté en plein cœur avec son premier roman, La douleur porte un costume de plumes ». Un premier roman qui prenait nos tripes jouait à la corde à sauter avec puis nous rendait le tout dans un désordre quasi chaotique, mais révélant l’importance de l’essentiel et l’importance du mot dans notre vie quotidienne. Ce fut un premier roman fort, subtil et intelligent. Dès lors l’annonce de la sortie de son premier roman, puis L’annonce de la traduction par l’excellent Charles Recoursé et enfin la date de sortie offrait un mélange intime entre attente, espoir et peur. Peur de ne pas être secoué autant que pour le premier roman, peur de ne pas retrouver sa poésie et sa musicalité magnifiquement traduite dans son premier roman.
Lanny est un enfant, qui chante, qui parle beaucoup, qui est curieux et qui dessine. Lanny est l’insouciance, la vie à l’état pur, sans filtre, sans contrainte, dans toute sa simplicité. C’est le rêve, l’espoir, le questionnement et l’émerveillement de deux parents. Une mère auteure de roman policier et un père travaillant à Londre et faisant les allers-retours en train. Puis il y a Pete, un vieil artiste, vivant presque reclus, mais qui s’est lié d’amitié avec le petit Lanny. Une amitié tournant autour de la création, du dessin, de l’art. Tout ce monde vit dans un petit village près de Londre. Une bourgade singulière, qui vit autant dans le présent qu’avec certains fantômes, comme le Père Lathrée Morte. Un esprit du passé , de la forêt, de la nuit, se nourrissant des mots des villageois. Un fantôme grincheux et farceur par moment osant s’aventurer jusque chez les habitants.
Il serait difficile de résumer plus sans dévoiler l’intrigue. Ce roman se découvre et se vit. Les mots nous transportent et nous font voyager. Jouant sur l’alternance de point de vu et l’abondance de voix, le lecteur se retrouve tantôt au coté de Lanny, de la mère, du père, de Pete ou d’un des villageois, et l’histoire prend une autre tournure quand nous nous retrouvons à côtoyer le Père Lathrée Morte. Avec ce dernier le roman devient choral, les voix chaotiques et la narration rebondit d’un personnage à un autre. Le lecteur se retrouve à partir de là comme un voyeur, comme un fantôme se promenant et se nourrissant des sons ambiants.
Lanny est un second roman réussi. Nous le découvrons comme un amusement, une friandise, les insertions du Père Lathrée créées un décalage et une vision unique qui ne peut que nous faire sourire. Puis une musique, celle des mots, se met en place et comme Alice nous nous retrouvons à plonger dans le terrier pour suivre le lapin blanc. Une plongée en profondeur qui nous touche par les rapports qu’entretiennent les personnages entre eux, les doutes qui habitent certains, la magie que font vivre d’autres, un rythme qui ressemble énormément à une valse, que l’on laisserait tourner indéfiniment. Mais ce serait sans compter sur la cassure, le changement de ton, de rythme et de narration à partir de la moitié du roman, donnant encore une autre musicalité, devenant un roman choral particulier proche du bruit chaotique d’une gare, mais tout en nous retenant aux tripes. Un passage en apnée vers un dénouement autant inédit que surprenant.
Max Porter est plus qu’un conteur contemporain, On pourrait parler d’architecte d’histoire tant l’importance de la construction et de la narration apporte à son roman. Son livre se lit autant qu’il se regarde, Visuellement et narrativement c’est une réussite. Lanny confirme tout le bien que l’on pouvait penser de Max Porter, vivement le prochain !
Editions du Seuil
Trad. Charles Recoursé
235 pages
Ted.