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Melanie Fazi – Nous qui n’existons pas

« Est arrivé un jour où la fiction n’a pas suffi. Un jour où les mots trop longtemps contenus ont demandés à sortir nus, sans filtre, sans que je ne déguise ma voix derrière celle d’un narrateur. Un samedi matin, au réveil, quatre pages se sont écrites d’une traite, nourries d’années de réflexion, de tâtonnements, de quête d’identité. Ce jour-là, l’étrangeté autour de laquelle je me suis construite à enfin trouvé des mots simples pour se dire.»

La littérature fantastique, de Lovecraft jusqu’à Stephen King, Anders Fager ou Lisa Tuttle, a toujours joué sur les marges et les différences subtiles aux normes sociétales. Ce qui provoque l’étrangeté, l’incompréhension, le malaise, c’est ce léger décalage, ce pas de coté par rapport à ce qui aurait dû arriver.

Dans « Nous qui n’existons pas », Mélanie Fazi fait de nombreux rapprochement entre la littérature fantastique et sa propre vision du monde. Elle même autrice/novelliste de fantastique, elle livre ici un récit littéralement hors-norme.

Premier livre de non-fiction de l’éditeur Dystopia, et premier texte assumé autobiographique de Mélanie Fazi, « Nous qui n’existons pas » est un questionnement lent et intime sur les identités de genre, sur les différences qui nous constituent et qui parfois nous enferment. Postfacé par Léo Henry, et sublimement illustré par Stéphane Perger, ce livre est, s’il en était besoin, la preuve que le fantastique sous toutes ses formes est un formidable outil pour réfléchir notre monde dans sa diversité.

Au départ, c’est une note de blog en Juin 2017, «Vivre sans étiquette », que Mélanie Fazi rédige afin de parler de son rapport au couple, à la sexualité et à la société hétérofamiliale.

Comment se positionner dans le monde lorsque l’on ne voit aucun attrait dans le concept de couple, qu’il soit d’une nuit ou d’une durée indéterminée, lorsque « notre besoin de solitude est impossible à rassasier », et lorsque surtout l’on sent peser le jugement insupportable et moralisateur de la société sur notre dos.

Puis, d’un article, cette réflexion est devenue un livre d’une centaine de pages, mélangeant vécu et pensées personnelles. Une tentative d’extériorisation d’un sujet encore tabou en France : l’absence d’envie de couple et de ressenti sexuel. Un thème sur lequel rien n’avait encore été écrit, et dont l’autrice comble enfin ce vide avec son témoignage brillant.

« J ‘ai souvent songé que ce serait reposant de lire un roman, de regarder un film où la question de l’amour ne serait même pas évoquée. Une histoire où les personnages vivraient seuls parce qu’ils le souhaitent et où l’intrigue se concentrerait enfin sur autre chose. Parce qu’alors, pour une fois, j’y verrais quelque chose qui ressemblerait à ma vie. »

Ni ouvrage militant, ni texte théorique fondateur, «Nous qui n’existons pas » est protéiforme. Réflexion artistique sur la musique, la littérature et le cinéma. Analyse psychanalytique et sociologique d’une différence et d’une souffrance profonde. Mais surtout le récit d’une vie, d’une acceptation et d’une recherche d’identification, de compréhension, puis finalement d’un coming out salvateur.

« Ce qui nous unit tous, c’est d’être « à coté ». Nous sommes les « pas pareils », ceux qui ont du souvent, au cours de leur vie, décider de montrer ou non le pelage caché sous la peau apparente. Ceux dont l’existence entière tourne autour de cette question qui peut paraître si anodine. C’est une redéfinition de chaque instant : rectifier ou non les attentes que les autres plaquent sur nous par défaut, revendiquer ou non cette différence, la vivre discrètement ou bien en faire un étendard.
Ça ne s’explique pas, je crois. Ça se ressent profondément. »

«Nous qui n’existons pas » est un livre de doute, de questionnement, de découragement parfois. Mais c’est aussi pour moi un livre profondément lumineux, empli d’espoir et de bienveillance. Un livre dont le cheminement intellectuel et le processus de création a été accueilli sereinement dans l’entourage de l’autrice, et qui a libéré la parole sur les questions multiples et complexes que sont les identités de genre, l’asexualité et le rapport aux normes diverses et variées.

Melanie Fazi
Nous qui n’existons pas
Dystopia Edition

À propos Paco

Chroniqueur

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