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Mike McCormack – D’os et de lumière

Voici un roman qui s’impose dès son ouverture. Le texte, dans n’importe quel oeuvre, offre une musicalité, un rythme, que l’on trouve de plus en plus similaire et formaté dans la plupart des romans actuels, En général l’auteur préférant mettre en avant l’histoire plus que le style ou ce que peut représenter, au lecteur, physiquement ce que ressent le narrateur en exploitant la forme, mais là n’est pas le propos.

Tout n’est que rythme et les ponctuations sont autant de balises nous donnant un espace où respirer.
Dès lors comment percevoir un texte qui n’offre pas de balise rythmique. Est-ce une pure figure de style et dévoiler la virtuosité de l’auteur, ou bien cette forme apporte-elle à l’histoire autant que ce qui est raconté?

D’Os et de Lumière est le troisième roman du nouvelliste et romancier irlandais Mike McCormack. Publié en 2016, le roman remporta l’ « Irish Book Award » du roman de l’année et fut récompensé en 2018 avec le prix du « International Dublin Literary Award ».

Maintenant que les présentations sont faites, passons au cœur du sujet.

Marcus Conway, ingénieur de profession, marié et père de deux enfants, est assis à sa table, devant lui son journal, la radio en fond sonore, au loin les cloches qui sonnent l’Angelus. Nous sommes le 2 novembre 2008 et Marcus attend le retour de sa famille. Il va laisser son flux de conscience, son esprit, sa mémoire, dériver ça et là et construire un monologue, une carte mentale de ce qu’il est, d ‘où il vient et de là où il se trouve. Un monologue intérieur qu’il partage avec le lecteur, mélangeant l’intime, le politique, les digressions comme les coups de folie. Le quatrième de couverture annonce « jusqu’au jour où sa vie s’est brutalement mise à vaciller » et j’ai rarement vu un résumé pour vendre un livre aussi pertinent dans sa conclusion.

Mais revenons sur le Rythme, D’os et de lumière ne comporte qu’un seul point, le point final. Ce monologue se fait d’une traite, sans séparation de phrase. Le texte de part son style renvoie invariablement à James Joyce et son Ulysse, Le monologue de Molly Bloom,  Mais aussi à Dostoïevski et ses carnets du sous-sol de part son type de narration.

Mais le texte n’oublie pas de respirer, de prendre le temps de se poser par moment. Ce qui permet au lecteur de lâcher prise. Un tour de passe-passe habile jouant principalement sur les transitions et la mise en page. Ses transitions sont là aussi pour guider le lecteur d’une réflexion à une autre, par une association d’idées la plupart du temps.

Bien qu’il s’agisse là d’un parti pris stylistique, l’auteur l’utilise totalement pour servir son propos et son histoire. Apportant une approche encore plus « physique » au lecteur, le style donne une réelle sensation d’errance dans les réflexions de Marcus.

Marcus dévoile un portrait de sa vie de sa ville, de sa région, de la politique, de l’environnement, de la religion ou bien encore de l’art. Un portrait sans filtre du langage, Mike McCormak, ayant vraiment poussé le principe du monologue intérieur à son paroxysme.

D’os et de lumière est beau, touchant, révoltant, poignant. Il s’agit là d’une œuvre totale, ou le narrateur, le texte, le style, et son univers ne font plus qu’un. Une symbiose parfaite qui ne devient plus qu’un enchaînement de ressenti et de sensation pour le lecteur.

Comme à son habitude, la traduction de Nicolas Richard est impeccable, et l’on aurait pas espéré mieux pour ce roman.

Éditions Points,
collection Signatures,
Trad. Nicolas Richard,
280 pages.

Ted.

À propos Ted

Fondateur, Chroniqueur

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