Victoria n’est pas folle, elle a simplement laissé la Grande Sorcière Rouge s’immiscer dans son quotidien. Sa présence la rassure, sa voix la guide. Quand le doute ou la peur l’envahit, la Grande Sorcière Rouge a toujours une solution.
C’est elle qui l’a créé. Elle sait qu’elle vient de son imagination comme tous les autres personnages du jeu qu’elle a inventé, sauf que la Grande Sorcière Rouge existe vraiment. “Pas de ce genre de réalité qui fait les gens en chair et en os. Mais elle était bien vivante, là, dans sa tête”.
Victoria n’a rien contre les jeux de rôle, bien au contraire, mais celui auquel certains élèves de troisième se prêtent paraît bien plus dangereux que le sien : leur plateau de jeux n’est autre que le cimetière et le diable semble être de la partie.
Ce week-end, un élève de son collège est mort d’une balle dans la tête. Victoria ne le connaissait pas mais Marc et Mamadou semblent en savoir plus qu’ils ne veulent bien l’avouer. Et ils sont terrorisés, car ce qu’ils prenaient pour un jeu a l’air bien réel. Les cérémonies sataniques et l’apparition de la “Bête” semblent avoir ouvert la porte à des évènements aussi surnaturels qu’effrayants.
“Est-ce que Nicolas Monières et son assassin (ou ses assassins ?) avaient confondu le jeu et le réel ? Dans les jeux de rôle, on peut mourir plusieurs fois et revenir dans la partie avec une potion magique. Dans la réalité, la première mort est généralement la bonne.”
Marc se sent menacé, Mamadou est tombé dans un coma inexplicable, Victoria fait d’étranges rêves et sur sa paume une mystérieuse marque est apparue : une étoile à cinq branches, un pentagramme… ne serait-ce pas la marque du diable ?
Parallèlement, une force occulte rôde en ville. Il pleut des grêlons de feu, des rats envahissent les rues, des vagabonds sont sauvagement tués… Le danger menace et, qu’ils le veuillent ou non, Victoria, Marc et Mamadou sont concernés. Ils doivent découvrir ce que trame le cercle fermé auquel appartenait Nicolas et briser la malédiction qui touche la ville. Pour cela, Victoria sait qu’elle doit écouter la Grande Sorcière Rouge même si “depuis son cauchemar [elle] ne se manifestait plus à la commande (…) comme si elle agissait indépendamment de la volonté de Victoria. Pourtant c’était elle qui l’avait inventé !”.
Quand réalité, croyance et imagination s’entremêlent, difficile de faire la part des choses, mais les faits sont là et les jeunes adolescents n’ont d’autre choix que de croire en l’improbable pour lutter contre.
La marque du diable ne s’appuie pas seulement sur un univers imaginaire ou ésotérique, il trouve aussi sa source dans l’esprit encore malléable des adolescents. En proie à des émotions et des pensées abstraites voire irrationnelles, partagés entre toute-puissance et vulnérabilité, chacun met en place un stratagème pour se protéger des incertitudes du monde extérieur. Chacun se construit un espace transitionnel qui lui est propre pour traverser ce pont sur lequel l’adulte en devenir bataille avec l’enfant qu’il s’apprête à laisser derrière lui : l’imagination perd de son innocence pour se frotter au réel, il est temps de dissocier le jeu de la réalité… ce qui est difficile quand des évènements surnaturels viennent bouleverser votre quotidien.
Moka est reine en matière d’intrigues et de frissons. La trame de ses romans est toujours bien ficelée et les ressentis de ses personnages sont palpables. Qu’on ait douze, vingt-cinq ou trente sept ans, on se laisse toujours prendre par le côté obscure et mystérieux de ses histoires.
éd. école des loisirs (coll. Medium), 1996
181 pages
Pauline