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Mondes fantastiques

Les livres jeunesse sont de fabuleux ponts permettant de rejoindre des mondes fantastiques. En voici une sélection aux petits oignons, mêlant frissons, rire et émerveillement !

Oliver Jeffers Cette maison est hantée couverture

C’est bien connu, toute bonne vieille maison digne de ce nom est hantée. Pourtant, cela reste bien difficile de débusquer les esprits qui se baladent entre les murs décrépis, s’amusant à faire craquer le plancher vermoulu et à chanter lugubrement dans les conduits de cheminées poussiéreux. Une petite fille nous invite à l’aider dans sa chasse aux fantômes, persuadée que la grande demeure victorienne où elle habite en est truffée, sans pour autant parvenir à mettre la main dessus.

Poussons les portes grinçantes, arpentons le vestibule et fouillons chaque recoin de la cave jusqu’au grenier. N’hésitons pas à déranger le repos centenaire de la bibliothèque où le secret calfeutré des lits à baldaquin… Car c’est sûr, des esprits frappeurs rôdent et jouent à cache-cache avec nous… Grâce à un astucieux système de calques, ils apparaissent et disparaissent en un battement de cil sous les yeux émerveillés des jeunes lecteur·ices, glissant le long des rambardes ou s’amusant à se balancer sur les lustres ! Si notre guide semble ne pas les voir, malgré tous ses efforts et son ingéniosité, les spectres espiègles sont pourtant tout autour d’elle…

Oliver Jeffers Cette maison est hantéeOliver Jeffers joue avec les petites frayeurs d’enfances, les histoires qu’on se raconte au coin du feu pour délicieusement frissonner. Dans Cette maison est hantée ! il crée une ambiance un peu lugubre en intégrant ses personnages peints à d’anciennes photographies en noir et blanc. Mais rien n’est pour autant angoissant, l’ensemble étant contrebalancée par le décalage entre la narratrice ne parvenant pas à apercevoir ce qui est juste sous son nez et les fantômes farceurs qui s’en amusent. Leurs petites bouilles bravaches les rendent sympathiques au premier regard et pourraient même aider à vaincre la peur du noir et des étranges bruits de la nuit. Car après tout, si les ectoplasmes existent bel et bien et s’ils sont aussi mignons que ceux de ce livre, impossible de les craindre. Au contraire, on serait presque tenté de s’en faire des amis !

Cette maison est hantée ! brise le quatrième mur grâce au dialogue se mettant naturellement en place entre la fillette et les lecteur·ices, renforcé par le jeu de transparence des calques et les apparitions/disparitions des fantômes. Nous devenons même complices de leurs facéties !

Un livre ludique, à l’allure d’un ancien album photo rétro et à l’humour décalé et malicieux, qui fera frémir aussi bien qu’il fera rire ! Je vous conseille d’ailleurs le teaser vidéo disponible ici, où l’auteur arpente lui-même les recoins inquiétants et grinçants de la fameuse demeure.

Cette maison est hantée
Oliver Jeffers
Traduit de l’anglais par Rosalind Elland-Goldsmith

80 pages
Kaleidoscope 

Guillaume Bianco Billy Brouillard au pays des monstres Le détective du bizarre couverture

Billy Brouillard est un jeune garçon à l’imagination débordante, professionnel du merveilleux. Possédant le don de trouble-vue lui permettant de voir au-delà des choses et du palpable, il évolue dans un univers où les goules côtoient les sirènes et où les ogres et les sorcières sont tapi·es tout autour de lui.

Dans les nouvelles aventures développées par le talentueux Guillaume Bianco, il endosse à présent le rôle plein de responsabilités de détective du bizarre, pour lequel sa sensibilité au biscornu lui sert tout particulièrement. Cette fois-ci, l’aventure le pousse dans une quête bien particulière : celle de la découverte de soi. Et pour le suivre comme il se doit dans cette épopée au cœur  des entrailles d’un monde inquiétant, une loupe à filtre rouge est mise à notre disposition afin que l’on puisse débusquer les détails et les créatures cachés au fil des pages !

Alors qu’il rentre d’une de ses escapades à travers la campagne, Billy entend malgré lui ses parents se disputer et avoir des mots trop durs et trop forts à son sujet. Blessé, il fait la sourde oreille aux supplications de sa petite sœur Jeanne, qui lui affirme qu’il y a un monstre à l’affût sous son lit. Quand un cri de détresse brise le silence de la nuit, il s’élance dans la chambre de Jeanne pour assister, impuissant, à son enlèvement par un croque-mitaine.
Désemparé et rongé par la culpabilité, il fonce demander de l’aide à Célène, son amie sorcière dont la sagesse n’a d’égale que le courage. Elle lui annonce que la seule manière de sauver la petite fille est de se rendre au pays des monstres, là où l’attendent bien des épreuves.

Guillaume Bianco Billy Brouillard au pays des monstres Le détective du bizarreSe laissant déborder par ses émotions, Billy va tomber nez à nez avec des doubles de lui-même personnifiants  tour à tour les adjectifs désagréables  dont l’ont qualifié ses parents lors de leur dispute : glouton, paresseux, peureux, prétentieux… Il va devoir affronter et apprivoiser ces clones aux caractéristiques exagérés, miroirs de lui-même aux reflets difformes.
Mais le sentiment dont il doit le plus se méfier est une colère qui l’assaille et le transforme en un bersek aveuglé par la rage et capable des pires dégâts. 

Fidèle à lui-même, l’auteur déploie une épopée à double lecture abordée par le prisme de l’imaginaire. Dans la série Le détective du bizarre, l’aspect ludique de la loupe nous offre la chance de profiter du don de trouble-vue et permet de dénicher des éléments invisibles à l’œil nu. Mais les thématiques explorées au fil de l’histoire sont fortes et même philosophiques. En effet, on y trouve notamment l’impact des mots sur les enfants, celui des tensions familiales sur eux.
De plus, Billy Brouillard est un héros tout en profondeur, qui possède à la fois un pouvoir de création incroyable tout en étant en proie à beaucoup de doutes. Comme tous les jeunes, il a cette capacité à s’émerveiller mais au cœur des mondes qu’il s’invente ses peurs et ses angoisses se concrétisent. Il va alors devoir faire face à ses démons et à son plus grand ennemi : lui-même.

C’est toujours un véritable plaisir de retrouver Billy Brouillard, qui gagne en complexité au fil de ses aventures. Le livre en tant qu’objet est très beau, tout y est travaillé dans le détail et le style vieux grimoire est encore bien présent, malgré une colorisation numérique qui modernise un peu le côté rétro de la série centrale. Agrémenté également des feuillets explicatifs présentant les bestiaires ou bien les particularités paranormales rencontré·es au cours du récit, ce second volume du Détective du bizarre s’inscrit dans la continuité de l’évolution du jeune héros. 

Possédant des symboliques très fortes et une volonté pédagogique qui pousse à la réflexion entre les lignes et à l’exploration de ses propres failles, Billy Brouillard au pays des monstres nous plonge de nouveau dans l’univers merveilleux et fouillé de Guillaume Bianco. 

Une quête intérieure éclairée, abordée par le filtre du fantastique et de l’imaginaire.

Le détective du Bizarre tome 2, Billy Brouillard au pays des monstres
Guillaume Bianco
Éditions Soleil, collection Métamorphose
73 pages

Le merveilleux pays des snergs couvertureDe mes lectures d’enfant, celles qui m’ont le plus marquée sont sans doute celles imprégnées de Fantasy, de magie et d’émerveillement. Dans ma bibliothèque Le Magicien d’Oz côtoie toujours la saga Narnia et les deux volumes des divagations de la jeune Alice, sous l’œil du célèbre Bilbo le Hobbit  . Il va sans dire que j’ai pour ainsi dire débordé d’enthousiasme à l’annonce de la première publication en français du livre qui aurait inspiré à J.R.R. Tolkien les aventures de son héros aux pieds velus. C’est ainsi que j’ai découvert Le Merveilleux pays des Snergs, d’E.A. Wyke-Smith. 

Tout d’abord, il faut préciser qu’il s’agit bien d’une adaptation et non pas d’une traduction, permettant au texte original de prendre des accents plus modernes et d’ainsi faire sûrement mieux écho dans l’esprit des jeunes lecteur·ices. N’ayant jamais lu la première version, je n’ai pas vraiment de moyen de comparaison, mais quoiqu’il en soit, j’ai trouvé ce roman… Fantastique !

Pip et Flora forment un duo plein de malice, pour le plus grand désespoir de miss Watkyns, la directrice de l’orphelinat de Sunny Bay. Un jour, alors que les deux enfants ont enfreint pour la énième fois l’une des tonnes de règles strictes de l’internat, elle se voit obligée de les priver du tant attendu pique-nique. Pendant que les autres pensionnaires profitent d’une journée de relâche, iels ont pour corvée le ravitaillement de la bande de pirates gériatriques du coin. Mais, le pire est le licenciement d’un certain Gorbo, complice d’une dégustation de tartines clandestine avec les enfants.
Rongé·es par la culpabilité et par la déception, Pip et Flora ne tardent pas à s’empêtrer dans une suite de rebondissements qui les mèneront dans une contrée extraordinaire. Les voilà  chez les Snergs, un petit peuple toujours joyeux, amateur de ficelle et de bons repas. Cependant, d’autres créatures beaucoup moins bien attentionnées rôdent dans l’ombre, attendant le moment propice pour croquer/kidnapper/saucissonner les enfants… Et si la flopée de règles instaurées par la directrice servait à protéger les orphelin·es d’un danger bien réel ?

Le Merveilleux pays des Snergs possède tous les ingrédients d’une histoire captivante : une galerie de personnages hauts en couleur qu’on se surprend à aimer ou à craindre en quelques pages, une pluie de péripéties amusantes et des mystères qui s’épaississent au fil du récit et nous tiennent en haleine jusqu’au dénouement. L’ensemble est vraiment très bien ficelé, à tel point que j’étais plongée dans le dilemme que crée toute lecture captivante : celui de ne plus vouloir en continuer sans relâche tout en souhaitant que celle-ci ne se termine jamais. 

De plus, cette épopée est enrichie d’une foule de détails adorables, permettant de s’imaginer facilement aussi bien les décors que l’allure des protagonistes. Sans oublier le voyage initiatique mené par Pip et Flora, qui affronteront leurs traumatismes (découlant de leurs parents respectivement méprisant et tyrannique) et apprendront à apprécier  l’amitié et la bienveillance chez leurs proches. Des sentiments et des valeurs fort·es y sont d’ailleurs abordé·es par le prisme à la fois du courage et de la maladresse, de l’humour et de l’entraide.
Et enfin, cerise sur le gâteau (après, promis, j’arrête ce débordement de joie) les illustrations à la naïveté toute douce ouvrant chaque partie et la couverture rehaussée de dorures apportent un joli plus à l’ensemble ! Un livre parfait pour celles et ceux qui aiment la Fantasy, mais aussi pour y initier les plus jeunes.

Vous l’avez compris, j’ai adoré Le Merveilleux pays des Snergs. Pour sa sorcière violette, son ogre végétarien, ses ours parfumés à la cannelle et ses autruches de course qui se disputent la vedette. Pour son charme et pour la nostalgie et le ravissement dans lesquels il m’a replongée.

Le merveilleux pays des Snergs
Veronica Cossanteli, illustré par Melissa Castrillon
D’après le roman d’E.A. Wyke-Smith
Traduit de l’anglais par Leslie Damant-Jeandel
348 pages
Milan, collection Tilt !

Caroline

À propos Caroline

Chroniqueuse

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