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Boite de nuit Berlin

Morgane Caussarieu – Techno Freaks

Berlin, cité mythique aux multiples facettes.
Pour certain·e·s, c’est une ville qui rappelle des évènements historiques et politiques sombres.
Ou bien, une langue à la prononciation guttural et à la grammaire absconse.
Mais pour beaucoup d’autres, c’est avant tout la capitale mondiale du clubbing.
Pour toute cette population, chaque weekend est un défi.

Goldie et sa bande de Freaks sont de ce milieu là. Visceralement. Venant de tout les pays, iels se sont rejoint·es ici pour vivre le meilleur de la fête et pour consommer la drogue la plus pure.

Trois nuits sans fin, où le corps est emmené au delà de ses limites, par des substances et le son de la Techno. Un weekend à vivre au maximum, pour accumuler de quoi tenir toute la semaine, jusqu’au vendredi suivant. Une semaine à enchainer les boulots inintéressant, mal-payés, précaires, pour tout dépenser une fois entré dans le club.

Bonjour, je suis Opale, je vous appelle de la part de l’institut d’enquête statistiques Ipsos…Clac.
Bonjour, je suis…Clac.
Non, cette voix n’est pas Opale.
, lui souffle la kéta.
Et ça lui apparait, il y a deux Opale, la véritable et celle d’Ipsos. La kéta la splitte en deux. C’est celle d’Ipsos qui n’a pas plu à la chinoise et en s’en séparant, durant un moment, Opale retrouve confiance en elle, et redevient qui elle était. Une Jet-setteuse. L’actrice. Avec un talent et un physique hors-norme.”

Rejeté·e·s ailleurs, iels se retrouvent ici entre elleux, à la fois à la marge du monde et gravitant dans une société parallèle. Il faut savoir marquer son appartenance au groupe, et clamer haut sa différence. Un monde de contradiction, où domine les modifications corporelles (tatouage, scarifications, piercing…) et les codes vestimentaires fondés sur une inversion des modes attendues par la bonne société.

Crane tatoué de runes, complètement rasé à blanc, collier de chien, seins piercés minuscules – presque ceux d’un homme – laissés à l’air libre. Elle les a emmaillotés d’un lourde chaine dorée acheté à Toom, le magasin de bricolage local. […]Le gold est sa couleur, sa signature, est même devenu son nom dans le milieu fermé du body-art, et se retrouve dans tout ses imposants piercings, jusqu’aux Adidas. La prochaine étant : se faire arracher des dents pour les remplacer par des prothèses en or permanentes. Peut être même performer ça devant des gens ou durant une installation vidéo. 

Morgane Caussarieu est habituellement connue pour son travail sur les vampires. Elle est notamment l’autrice d’un essai sur la série True Blood, et de trois romans mettant en scène les buveurs de sang. Vivant à Berlin depuis plusieurs année, elle prend comme décor une ville et des clubs qu’elle connait.

Mais ici, nul créature fantastique, bien que tout les personnages vivent nettement plus la nuit que le jour, et s’enfile des produits qui les mettent en transe comme les vampires avec une gorgée de sang. D’une veine bien plus réaliste, Morgane, habitant à Berlin, nous raconte ses marges, dans toutes leurs splendeurs et leurs décadences. Au delà d’une série de portrait de Freaks junkie, c’est le portrait d’une société qui est dépeint. Celle du divertissement toujours plus extrème, de l’instantané et du plaisir immédiat. Celle aussi d’une fuite à tout prix. D’un combat contre un monde qui ne sait gérer ses personnalités différentes.

Un monde où la drogue est omniprésente, et son dosage fondamental.
Vrai personnage de ce roman, la drogue, qu’elle soit Kétamine, cocaine, GBL ou autre, emmène l’esprit vers d’autres rivages, vers d’autres conception de la vie, vers une société plus accueillante envers les freaks.

La plupart ont comme Nichts lâché des jobs et des familles au bercail pour se concentrer sur leur art dans une ville où tout paraît propice à la création ; à la place, ils se sont retrouvés en léthargie, intoxiqués jusqu’à la moelle. A survivre sur les allocs en dealant, ou en bossant en call center. Tout ça pour danser trois jours d’affilés et partouzer dans des toilettes. C’est ça, le rêve berlinois ? »

Sombre, violent, le roman de Morgane Caussarieu n’en est pourtant que plus fort. Une écriture et une ambiance viscéral, coup de poing, comme un cri de révolte contre la société policé qui mène certain·e·s à une autodestruction assumé.

Hunter S. Thompson, Huxley, Bret Easton Ellis, Irvin Welsh, et maintenant Morgane Caussarieu, un nouveau livre monument sur la drogue et les fascinations qu’elle suscite.

Techno Freaks
Morgane Caussarieu
Le serpent à plumes 
Août 2018, 182 p.

À propos Paco

Chroniqueur

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