Nando Von Arb a grandit dans une famille pas comme les autres : il a une maman, un frère et une sœur et pas moins de trois papas. Trois figures paternelles qui vont et viennent, avec leurs caractères, leurs épaules et leurs idées, et qui forment avec le reste de la petite tribu une géométrie familiale élastique et mouvante.
Tout d’abord, il y a son père biologique aux traits de loup, à la fois mystique et fantasque mais surtout un peu à l’Ouest. Ensuite vient l’ex-compagnon de sa mère, Kiko, artiste et farceur, qui s’efforce d’être présent et divertissant pour leur rendre la vie un peu plus légère. Et enfin Zélo, figure colossale, pilier taiseux et rassurant que rien ne semble pouvoir détruire.
Tous sont représentés sous des traits métaphoriques, à travers lesquels sont retranscrits les impressions qu’ils ont laissés sur le petit Nando. Animalier, contorsionniste, ou encore sculpté dans l’argile à la manière d’une figure primitive, on s’imprègne de leurs caractères respectives et de leurs personnalités en un coup d’œil.
Il en va de même pour la maman, grand oiseau ressemblant à une colombe immaculée. On y retrouve toute la figure protectrice et maternelle vue à hauteur d’enfant : l’oie blanche, la mère poule mais aussi l’oiselle triste. D’ailleurs, l’auteur la dessine comme un avion à bord duquel lui et ses frères et sœurs peuvent embarquer, tout en se rappelant ses larmes incessantes et son grand chagrin.
Dans 3 papas, le style des personnages, semble tout droit sorti d’une fresque primitive, d’une frise antique mais aussi d’un imager rigolo. Nando Von Arb se représente lui-même sous les traits d’un petit pois, un bonhomme bâton minuscule évoluant dans des paysages démesurés. Les adultes semblent énormes, leurs tailles variant en fonction des attaches qu’il a envers eux.
Il y a une proportion franche et improbable dans ce roman graphique, venue tout droit des codes naïfs des dessins de gosse, et c’est surement l’une des grandes forces de l’auteur. Celle d’avoir conservé intacts ses souvenirs d’enfance, avec des critères improbables et des proportions absurdes aux yeux des adultes, mais qui pourtant sont le reflet d’un ressenti sans fard.
On y retrouve l’imaginaire d’un enfant qui idéalise les hommes et le femmes qui l’entourent, les fantasme et se crée ainsi des repères dans cette famille aux parents nombreux, qui protègent et parfois noient.
Tout premier roman graphique, drôle et parfois un peu triste, 3 papas m’a évoqué à la fois Le trop grand vide d’Alphonse Tabouret et la patte de Brecht Evens. Sûrement pour l’aspect faussement candide, sous lequel affleurent des réflexions profondes et même parfois des blessures, sans doute pour la beauté des dessins caoutchouteux et étranges.
Un livre bourré de moments forts et marquants, de scènes cocasses et de situations piquantes, où Nando Von Arb revient sur sa famille qui fluctue à sa manière et où tous se construisent ensemble.
296 pages
Misma éditions
Caroline