La polissonne
Comment ça, la polissonne ? Celle qui chantonne des paroles indistinctes, son foulard disposé d’étrange manière, les yeux rivés vers l’écume, au large, guettant les vagues, là-bas ? Après-tout, il est absurde d’imaginer pouvoir résister aux mots doux et aux caresses. Ce qui nous occupe actuellement : créer des modèles destinés à prédire les vagues à quelques millisecondes près ( leur forme, leur vigueur, leur amplitude). Il se dit que le mot chance provient du latin cadentia, (le résultat de la chute des dès), et que hasard vient de l’arabe az-zahr, ( jeu de dès), et que, donc, ta rencontre furtive à G-Beach avec la jolie est la source de ton état radieux. Tu sais bien, puisque tu y étais, que toute cette zone est à peu près uniformément recouverte de forêt, n’est-ce pas, Teddy ? D’avion, ce sont des moutonnements à perte de vue de grands arbres. Pendant que je la grondais, me dis-tu, elle me montrait son derrière. Sache que la polissonne est de celles qui font du G-Beach d’aujourd’hui une plateforme de négociation ultrarapide. Place aux audacieux et aux coquins, c’est toi qui clamais cela, l’autre soir. Elle arrange bien ses nippes, je ne dis pas. Elle sait prendre un sentier sous bois quand il le faut. A présent les rochers scintillent comme des plaques d’or sous le soleil couchant, et moi, je surveille le cailloutage de la route. Je me prépare à un charivari abominable, car si G-Beach devient rentable, c’est grâce aux modélisations de la belle, et surtout grâce aux machines à prédire l’onde marine. Alors prends l’air d’un fakir en extase. Trouve confirmation qu’elle couche à l’auberge. Essuie une larme en évoquant sa tournure gentille. Je veux savoir, Teddy, si c’est en amant qui boit par gallons que tu te présentes à la Plage ou en dirigeant d’un prestigieux fond marin. Va, photographie en infrarouge les panaches de fumée, analyse ensuite. Tu commences à me connaître, tu sais que je préfère me consacrer aux jeux privés de l’amour ou aux fêtes collectives. Quel amusement. C’est splendide. Rappelle-toi, Teddy, quand l’adversaire est costaud, recours à cette parade fameuse : chatouille-le ; il en sera désarçonné. Mourant de rire, il abandonnera la lutte. Affûte ton surmoi turc, l’ami ! Aiguise ton savoir ankarais. T’étonnes-tu encore que je sois bon plongeur ?
Texte: Nicolas Richard
Producteur des images : Bilatim Treflon