Va chercher, comment un méchant chien m’a montré le chemin est le deuxièmement tome de la rétrospective autobiographique entreprise par Nicole J. Georges, après Allo? Docteur Laura.
Cette fois, elle parle avec sensibilité et beaucoup d’amour d’une petite chienne qu’elle a adoptée à 16 ans: Beija, bâtarde apparement croisée sharpei et teckel, timide et follement attachante. Lorsqu’elle la sauve de l’euthanasie dans un refuge, c’est pour en faire cadeau à son petit ami de l’époque. il s’avère que Tom est encore traumatisé d’une brusque séparation survenue lors de son enfance entre lui et son meilleur ami chien: Beija sera donc à la fois un remède pour palier à ce trouble latent mais aussi un lien solide dans leur relation adolescente.
Mais voilà que le cadeau poilu n’est finalement plus accepté par la belle-famille, créant alors une première discorde entre Tom et ses parents puis les prémices de la chute réelle dans une adolescence chamboulée.
De plans avortés en rencontres fortuites, le jeune couple emménage ensemble avec la petite chienne. Leur maison devient vite un squatte où des inconnus vont et viennent, dorment dans les placards et payent une partie du loyer en compensation. Nicole semble être l’une des très rares personnes à comprendre et anticiper les besoins de Beija: elle n’aime pas les étrangers, est effrayée par les enfants, grogne lorsqu’on la caresse et semble quasi phobique envers les hommes. Toutes ses particularités comportementales font étrangement écho à la personnalité de Nicole J. Georges elle-même: en effet, elle est également en marge des codes et des acquis standards.
Il faut dire que l’enfance de l’autrice s’est passée au cœur de une famille dysfonctionnelle, où la mère la délaisse, accaparée par sa vie active et sentimentale ou encore les disputes avec les différents et consécutifs beaux-pères de Nicole. Celle-ci ne va pas à l’école, est qualifiée d’enfant sauvage et grandi avec le peu de repère qu’elle a autour d’elle, préférant de loin se recueillir auprès de ses animaux de compagnie.
Les animaux vont alors devenir le noyau central de sa personnalité: vegan, engagée dans la cause animale, elle raconte un épisode de sa vie de bénévole dans une ferme sanctuaire et gagne sa vie de jeune artiste en peignant des portraits de compagnons à poils et à plumes.
Hypersensible, ayant du mal à nouer des liens forts et attirant surtout des personnes égoïstes et bancales, elle continue de se renfermer sur elle-même.
Cette solitude la rend peut-être un peu farouche, comme Beija l’est. Au cours de Va chercher, Nicole s’auto-analyse par le prisme de sa relation fusionnelle et même exclusive de plus de 15 ans avec cette chienne qui semble être le reflet d’elle-même et qui devient sa confidente, sa meilleure amie et un point de repère essentiel au quotidien.
En explorant sa brève adolescence et son rapide passage à l’âge adulte, Nicole J. Georges livre des expériences chaotiques de jeune punkette trop gentille, aborde sa découverte et sa passion pour les fanzines, accepte sa bisexualité, se remet d’un accident de voiture dont les séquelles sont encore palpables, bref se confie sans fard.
Malgré un parcours peu commun et de sacrées casseroles émotionnelles, l’autrice fait preuve de maturité et de courage. Enfant-éponge, adolescente un peu paumée et adulte sensible, elle ne reproduit pas les schémas nocifs qu’elle a enduré mais tente au contraire de les comprendre, de les accepter et de continuer.
De galères en belles rencontres, l’union entre la petite chienne courtaude et sa maîtresse reste d’une stabilité à toute épreuve: dans leur parcours humain et canin, elles sont toujours là l’une pour l’autre et deviennent même parfois une raison de survivre.
Découpé en 8 chapitres marquant chacun un tournant de la vie commune des deux amies, Va chercher est un hommage à Beija, une déclaration d’amour touchante qui donne les larmes aux yeux, pour autant que l’on ait eu un compagnon à quatre pattes.
Les illustrations en références au dessin animé Dumbo de Disney ouvrant chaque chapitre sont un clin d’œil à cette différence qu’incarne l’éléphanteau aux grandes oreilles et la petite chienne caractérielle: une différence incomprise par les gens trop pressés ou trop aveuglés, qui cache un joli trésor.
Editions Cambourakis
336 pages
Caroline