« AGONIE. Dans quoi je me suis fourré, pensait Netinho, assis sur la banquette arrière de la Gol. Tuer faisait partie de sa vie depuis pas mal de temps. Toujours sur commande . Sans implication directe. Il tirait avec précision et économie. Il obéissait et on le payait. Le reste du temps, il bossait dans cette boîte de pièces auto à Castenhal. Il glandait. Quelques jours auparavant, cette fille était venue le voir en fin de journée. Il connaissait Isabela depuis l’enfance. Ils avaient grandi ensemble. La famille Pastri était riche et puissante. Je ne sais pas ce qui s’est passé. Ils ont déménagé. Juste au moment où il commençait à s’intéresser aux filles, à l’âge des premières amourettes. Et puis voilà qu’elle réapparaît pour lui demander de garder toute cette paperasse. En lui disant de rien ouvrir, de ne rien lire. »
Castenhal, ville au nord du Brésil, lieu de la tragédie. Suite à un trafic de drogue soit-disant mal achalandé, Wlamir Turvel, futur gouverneur tabasse Alfredo Pastri et viole sa femme devant ses deux enfants, Isabela et Fred. La famille se réfugiera à Bèlem en toute discrétion et Isabela nourrira pendant des années une haine qui alimentera sa vengeance, celle de devenir prostituée de haut-vol et faire tomber Turvel avec l’arme la plus puissante qui soit : le sexe.
Autant le dire tout de suite, l’univers d’Edyr Augusto est noir, poisseux et plein d’amertume. Le milieu politique est vicié au possible, l’argent et le sexe, sales. Il en est des lectures qui sont de véritables coups de poing et celle-ci en est une. Un vrai roman noir, noir de chez noir où la femme est vengeresse et intouchable.
La femme, c’est Isabela, belle à en mourir, nourrie par une haine qui lui permet de vivre – « Ma haine, c’est ma vengeance. C’est ça qui m’a fait tenir. Qui m’a gardée en vie. » – et qui loin de la souiller la laissera intacte et pure car sa vengeance n’est que justice face à ce monde corrompu où tout peut y être acheté, les votes, les journalistes, les âmes y compris.
Roman polyphonique, très rythmé et cinématographique, Augusto a le don de rendre son texte palpable, car nous lecteurs, en ouvrant ce livre, mettons les mains dans le cambouis aussi.
Même si la trame du texte reste simple et prévisible, on éprouve un plaisir certain et jubilatoire à la lecture de ces lignes qui peint une situation sociale et politique alarmante où la démocratie est l’image même de la perversité.
Edyr Augusto nous avait déjà bluffé avec Bèlem. Il récidive avec ce superbe roman noir que l’on lit d’une traite, haletant, attendant que celui ci nous explose au visage. Roman âpre et désabusé, qui cogne dur et fort, il est urgent de découvrir les écrits de cet écrivain qui a hérité de la dureté de ton d’un James Ellroy et qui est un véritable régal pour les amateurs du genre.
Editions Asphalte
Traduit du portugais ( Brésil ) par Diniz Galhos
150 pages
Gwen