Hymne à la désobéissance civile et aux libertés acquises à coups de luttes, Occupy se présente comme un concentré du mouvement contestataire pacifique né en 2011 aux Etats-Unis vu par l’éminent penseur Noam Chomsky. Le 17 septembre 2011, dans le quartier de la bourse à New York, plusieurs milliers de manifestants se regroupent et occupent les lieux. Leur slogan ? Nous sommes les 99% solidaires contre la corruption et la concentration des richesses des 1% restants. Anarchistes au sens noble du terme pour Noam Chomsky, chacun porte le mouvement n’empêchant pas une certaine forme d’organisation, la contestation se multipliant à travers les Etats-Unis avec notamment Occupy Boston et outre Atlantique.
L’essai s’ouvre sur une rétrospective de quelques pages inscrivant le mouvement Occupy dans celle des luttes libertaires à cette nuance près que :
Aujourd’hui, ce n’est plus pareil : pour la première fois de leur histoire, les américains ont perdu espoir.
Le déclin des Etats-Unis remonterait aux années 70, soit la phase de “financiarisation à outrance” que la crise des Subprimes de 2008 illustre parfaitement. Cette crise de l’espoir américain sans précédent serait liée à l’écart considérable qui se serait creusé entre ce que Chomsky nomme une ploutocratie en complet décalage avec les intérêts des 99%, soit du peuple américain plus soucieux du chômage que de la dette publique. Les photographies d’Alex Fradkin, interludes en noir et blanc, jouent parfaitement sur cette analogie des soulèvements populaires des années 70 :
Face au tournant amorcé dans les années 70, le mouvement Occupy constitue la première riposte populaire.
La voix du militant politique s’entremêle au constat amère de l’universitaire mondialement reconnu pour ses travaux conférant une profonde tonalité pamphlétaire au texte. Invité par le mouvement Occupy Boston, à la conférence InterOccupy qui regroupe des militants des nombreuses branches du mouvement ou répondant aux questions d’un étudiant de la New York University à Paris, Noam Chomsky, loin de se contenter d’un amer constat, interpelle son auditoire invitant le lecteur à ressentir l’émulation de ces assemblées citoyennes :
C’est à vous de prendre votre destin en main ! Applaudissements. Nos représentants, nous devons les choisir nous-même et pouvoir les démettre de leurs fonctions, sans tomber dans un système de hiérarchie. (Questions de Occupy Boston)
Le “nous” revient à plusieurs reprises comme un mantra politique qui inscrit le penseur non pas comme un simple lanceur d’alertes, mais comme un militant qui, fort de ses travaux, invite, avec colère, ce “nous” à agir. Les analyses inter-disciplinaires (philosophiques, historiques, politiques et linguistiques) que Noam Chomsky livrent sans lourdeurs académiques et avec beaucoup de pédagogie sont en permanence complétées par la voix du militant politique qui invite le lecteur, l’auditoire à s’emparer de ses recherches car, pour lui, rien ne peut se faire sans une mobilisation de l’opinion publique.
C’est ainsi que ce court livre d’une histoire incomplète qui reste à écrire sur les pavés des rues se termine par un hommage à Howard Zinn historien qui a impulsé le mouvements des droits civiques aux Etats-Unis. Ce chercheur n’a pu connaître une renommée mondiale qu’à l’âge de la retraite à cause de ses travaux, notamment sur la guerre du Vietnam, allant à contre courant de la propagande américaine. Auteur de A People’s History of the United States, Howard Zinn s’est attaché aux anonymes qui ont marqué l’histoire des luttes pour la paix et les libertés. En un sens, Noam Chomsky rend lui aussi hommage avec Occupy à ces futurs oubliés de l’Histoire, ce peuple d’en bas, ces 99% qui se sont regroupés pour faire bouger les choses et qui ont dérangé. Occupy, un témoignage fort, un concentré d’histoire contemporaine en construction, à lire et à penser sans modération.
Sonia
Occupy, Noam Chomsky, préface de Jean Bricmont, traduit de l’anglais par Myriam Denneby, photographies d’Alex Fradkin, L’Herne, janvier 2013, 114 p.