Siss est la meneuse de la cour de récré, elle décide des jeux et entraîne toute la petite école derrière elle. Un jour arrive Unn. Timide? Réservée? Elle ne se mêle pas aux autres et reste dans son coin sans que personne ne vienne l’embêter. Pourtant Siss, incompréhensiblement, ne peut détourner son regard de la jeune Unn. Intriguée par son retrait, sa dureté dans le regard, sa beauté, sa nouveauté. Elle voudrait tellement réussir à briser la carapace de la nouvelle. Mais c’est Unn qui a les cartes en mains, et qui décide quand elle se livrera à Siss. Lors d’une soirée chez Unn leurs âmes se croisent, se retrouvent et se lient indéfiniment. Un pacte, une promesse est faite, avec tout le sublime et la peur que cela crée.
Apeurée, justement, Unn décide le lendemain de ne pas aller à l’école, mais de partir visiter ce fameux château de glace, cascade gelée antre des rêves et des cauchemars. Dans les nombreuses salles éphémères creusées par l’eau et l’air, elle se confronte à elle-même et disparaît. Une battue est menée, pendant tout le long hiver du Telemark, durant lequel Siss cherchera à comprendre ce qu’elle a vécu, comment vivre sans Unn, comment convaincre les adultes qu’on ne sait rien, comment continuer.
Grand classique de la littérature norvégienne, Le palais de glace est un poème. On se glisse avec ce roman dans la nuit sombre et froide, à l’heure où les arbres semblent se mouvoir et où se cachent sur les bas-côtés des ombres menaçantes. On est entre chien et loup, là où les silhouettes apparaissent mi-terrifiantes mi-séduisantes.
« C’est le chemin qui me conduit à elle. C’est le chemin qui me conduit à Siss. Je ne peux pas la revoir. Je peux uniquement penser à elle. surtout ne pas penser à l’autre chose. Penser à Siss, à elle seule. Siss que j’ai trouvée. Siss et moi dans le miroir. Des éclairs et des lueurs. ne penser qu’à Siss. »
La disparition d’Unn va projeter Siss sur cette brèche, entre folle tristesse et résignation froide, amour perdu et présence amicale, la passion dévorante de l’enfance et la raison morne des adultes.
Le roman, coupé en trois parties, va nous livrer non pas ses secrets, mais d’autres mystères et interrogations. Tout d’abord l’on suivra Siss dans sa tentative d’approche d’Unn et le lien qui se créera entre elle; puis Unn justement, lors de sa sortie buissonnière, son entrée et sa perte dans le palais de glace.
« Unn manque aujourd’hui. Une constatation calme. Siss, aux aguets, perçut peut-être une légère surprise dans la voix de l’instituteur.Les autres n’entendirent sûrement rien. »
Les recherches sont en place, les battues se succèdent, la crainte se répand dans le village, on presse Siss de questions, car elle doit sûrement savoir des choses, et pendant ce temps la petite Siss se perd dans ce tourbillon, encore sous le coup des émotions ressenties la veille auprès d’Unn, et ne pouvant croire que cela n’arrivera sans doute plus jamais. Prisonnière de ses sentiments et d’une promesse faite, elle se retire du monde malgré les mains tendues autour d’elle. Saura t-elle s’extirper de ce puits de douleur sans fond?
« Peur du noir, moi? Des joueurs de bois venaient de surgir et interprétaient leur mélodie claire tout en marchant des deux côtés de la route. »
Entre conte et roman initiatique, Tarjet Vesass explore les troubles et les passions de l’enfance, la dévotion violente envers l’autre, le passage vers l’âge adulte. Avec des phrases courtes et une narration qui amène plus d’énigmes qu’il n’en résout, Tarjei Vesaas nous ensorcèle dans les chambres obscures du palais des glaces.
Editions Cambourakis
196 pages
Marcelline