Gunnar Kaufmann, retenez ce nom !
Enfant issu d’une famille de classe moyenne, vivant dans les quartiers blancs de Los Angeles, une vie heureuse selon le standard des blancs américains. Mais voila un jour ses parents divorcent et dans un coup de sang sa mère décide de déménager et d’embarquer sa fille et son fils dans l’Hillside (les quartiers noirs à forte délinquance).
« Mon magical mystery tour a pris fin dans un faubourg en cul-de-sac de Los Angeles West que les gens du coin appellent Hillside. Situé au pied des San Borrachos Mountains, l’endroit tient moins du quartier résidentiel que d’une carrière à ciel ouvert crépie de bungalows. »
Commence alors l’apprentissage de la vie du « Ghetto » pour ce jeune afro-américain aux manières d’homme blanc. Comment le parcours de Gunnar dans ce milieu « apparemment » hostile va l’élever au rang de prophète et surtout pourquoi lui ? Voilà une intrigue qui va vous pousser à dévorer ce roman. Mais je ne vous en dirais pas plus car il faut que la surprise reste entière tant ce roman est une pépite !
Dans la grande tradition des auteurs noirs américains on connaissait surtout Percival Everett et sa verve légendaire, Toni Morrison ou bien encore Richard Wright. Mais il faudra dorénavant compter sur Paul Beatty, car même si sa précédente publication « Slumberland » (Seuil, 2009) souffrait d’une grosse longueur au milieu de l’histoire on distinguait déjà du génie dans son écriture. Génie qui explose dans chacune des pages, même des lignes d’American Prophet. Ca swing, ça groove, ça envoie du lourd à chaque réplique, des références par centaine et un premier chapitre « Pynchonesque ». Ce roman nous montre que Paul Beatty atteint le firmament des grands conteurs américains tout en modernisant le style, presque en le vulgarisant par moment. American Prophet est fun et attachant et vous ne pourrez pas le lâcher avant la dernière page. Je remercie encore Julien d’Esprit Livre de me l’avoir offert tant ce bouquin a pu me marquer en 2013.
Pour finir je tiens à féliciter les éditions Passages du Nord-Ouest pour cette initiative et surtout qu’ils continuent à oser publier des œuvres d’aussi bon goût, et je tiens à saluer le travail remarquable de la traductrice Nathalie Bru qui, comme pour « Not fade away » de Jim Dodge, fournit un travail de traduction de qualité et fidèle au possible à l’œuvre originale.
Passage du Nord-Ouest
350 page
Ted